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Poesie, histoire et societe

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A la croisee des`etudes libyco-berberes, Melanges offerts a Paulette Galand-Pernet et Lionel aland, Edite par Jeannine Drouin et Arlette Roth, Geuthner (Paris), 1993 : 451-465.

(À  l’exception des parties en jaune qui ont été omises dans le texte publié)

 

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POÉSIE, HISTOIRE ET SOCIÉTÉ:

Une guerre tribale dans le Souss au XIXè siècle

 

 

 

                                                A. Lakhsassi et K. Brown *

 

 

 

 

            S'occuper de la tradition orale nous entraîne dans un inévitable dilemme : on écoute, on pose des questions, on prend des notes, on analyse puis on reconstruit par écrit une image à partir de ce que nous avons entendu. En fait on interprète ce que nous pensons avoir compris. Comme le dit Henry James, "la vie est tout inclusion et confusion alors que l'art est discrimination et sélection". Discrimination et sélection de la part de tous ceux qui travaillent avec les sources orales: (1) ceux qui reproduisent cette littérature orale eux mêmes (sources), (2) ceux qui font la collecte des données (ethnographes, historiens, etc.) et (3) ceux qui analysent ces textes, c'est-à-dire nous mêmes.

 

Le travail de l'analyste consiste inévitablement à passer les données au crible: un compte rendu ou un récit d'un événement culturel est établi quand il est entendu, enregistré ou écrit verbatim ou autrement (résumé ou traduit). Comment un texte est "lu", comment le sens en est extrait, puis rendu en une langue autre que l'originale pour divers buts. Comme le dit Geertz, nos 'données' (data) sont "nos propres constructions des constructions des autres".

 

            Notre usage de la littérature orale berbère comme écriture et source-matériaux est principalement pour la reconstruction de l'histoire sociale du Sud Ouest marocain (domaine linguistique tashelhit).  Comme dans beaucoup d'autres régions, la poésie y est transmise de génération en génération. Elle est mémorisée et souvent cantillée sous forme de phrases musicales, parfois sous forme de rythme des Derqawa et exécutée par l'auteur lui-même ou ses successeurs (bardes).

 

            K. Brown est passé dans la région du Jebel Bani, à Tuzunine, près d' Aqqa, en 1970 où MuÌmmad U-Jam∫ Ighil lui avait chanté cinq poèmes concernant des batailles entre groupes tribaux de cette région. Ils ont été enregistrés, transcrits, analysés, pillés pour informations culturelles et historiques. Ce sont des narrations  descriptives et explications des événements socio-historiques sous une forme poétique où saints et miracles coexistent avec des êtres de ce monde (ambitions et vénalités humaines). En été 1982 A. Lakhsassi est allé dans la même région chercher à rencontrer Ighil malheureusement déjà décédé. Mais beaucoup de ses auditeurs de Tuzunine avaient gardé son corpus sur cassettes magnétiques. D'autres, poètes du lieu comme Mbark Uchalluch de Lqsbt n' Ayt Herbil et LmÌjub de Tuzunine, en avaient mémorisé un certain nombre.

 

 

I, PRÉSENTATION DU CONFLIT

 

 

            Parmi les textes enregistré par K. Brown figure celui qui relate la bataille entre le chef de la Maison d'Iligh et celui de la Maison des Ayt Jerrar. Celle-ci a eu lieu en 1291 / 1874 (Justinard 1933: 93; Al-Soussi 1963:151). L'auteur en est Hummad U-Ali Ighil (mort aux environs de 1309 / 1891), grand-père du chanteur-poète rencontré par Brown en 1970 et décédé cinq ans plus tard. Cette version de l'événement (A) a déjà été éditée en Anglais par ce chercheur (voir Brown 1973). A travers P. Pascon via M. Benihya, on a obtenu une autre version (B) du même texte transcrite en lettres arabes. Le manuscrit est suffisamment claire et lisible. D'autre part, dans le fonds A. Roux du L. A. P. à Aix-en-Provence (France),on a retrouvé une version (C) encore du même poème, transcrite celle-ci en alphabet latin le 19 - 20 septembre 1945 à Aqqa par Capitaine Vincent Monteil.

 

Est-ce (B) l'originale utilisée comme base pour transcrire (C) ou est-ce Jam∫ U-Hummad Ighil, fils de l'auteur du texte, rencontré par Monteil le 13 Septembre 1945 à Tuzunine même, qui a servi de source aux deux versions ?[1] Du titre en Arabe de (B) (hadhâ mâ qâla al-marÌûm bi-llah MuÌammad b. Ali Iµîl), on peut simplement inférer que l'auteur soit déjà mort lors de sa transcription. Toujours est-il que les versions (B) et (C) sont identiques à l'exception de quelques détails mineurs. On se contentera donc de comparer uniquement (A) et (B)[2].

 

On dispose donc d'un texte qui traverse trois générations de poètes, tous de la seule famille Ighil, le père, le fils et le petit-fils : Hummad l'auteur dont on n'a pas la version originale, Afqir Jam∫, l'informateur de Monteil et probablement le rapporteur des versions (B) et (C), et Muhmmad l'informateur de Brown et chanteur de la version  (A).

 

            Une comparaison entre (A) et (B) montre qu'il y a un certain nombre de vers qui n'existent que dans l'une ou l'autre (voir annexes). La version (B), sous forme de manuscrit, nous a permis de mieux corriger certaines parties de (A) qui est sous forme de bande magnétique parfois difficile à entendre et de refaire une nouvelle transcription de (A) du point de vue aussi bien phonétique que de la prosodie.  On essayera de répondre aux questions suivantes:

 

_ Le problème de la mémoire dans la tradition orale et rôle de la poésie dans les sociétés semi-orales. Que nous dit de plus la version (B) sur événement et que nous cache l'une et l'autre version ? L'absence et la présence de certains vers dans les deux textes varient en fonction des circonstances historiques : changements sociaux depuis 1945 et signification de la manière utilisée par le poète de représenter ce qui reste important pour son audience à un certain moment historique. L' hypothèse que nous essayerons de vérifier est la suivante : le poème joue des rôles différents dans les sociétés semi-orales comme celle du Sud-ouest marocain. Il doit à la fois plaire aux différentes audiences et être pertinent. Autrement dit nous essayerons de voir comment, selon la formule de Madame Galand , "le texte poétique berbère s'est fait caméléon" (Galand-Pernet 1987 : 116).

 

_ Le problème des leffs dans le Souss. Il est clair que l'auteur du texte est un genre de poète de cour de la Maison d'Iligh et plus généralement le poète des Iguzuln dont le centre est Tazerwalt. C'est pour cela que Lhusayn U-Hashem est pour lui "le Chérif", "le Saint" (agurram), "Sidi" Lhusayn ... alors que le chef des Ayt Jerrar est simplement "Ajerrar" c'est-à-dire quelqu'un des Ayt Jerrar, "fils de Aberrahman" (U-∫AbderÌman) ou "le fils d'Ajerrar" (iwis n'Ujrrar) comme pour diminuer de sa valeur personnelle ... Le leff  opposé, Tahuggat, n'a-t-il pas ses propres poètes, ou simplement son propre point de vue sur la bataille ? Mokhtar Al-Soussi rapporte une version de l'événement raconté par certaines gens des Ayt Jerrar (voir annexes). Mais ceux-ci sont ici contre leur chef. L'échiquier politique interne du Souss au XIXè siècle est très complexe malgré les efforts de clarification engagés par R. Montagne, L. Justinard, Al-Soussi et récemment Berdouzi en ce qui concerne le jeu des leffs.[3] Le travail d'analyse des textes ou fragments en vers concernant ces alliances et le rôle des poètes dans cette guerre idéologique reste à faire. Ce travail est une contribution dans ce sens.

 

 

 

Contenu commun aux deux versions (A) et (B)

 

             Après une introduction plus ou moins habituelle chez les poètes traditionnels où on invoque les saints pour de l'aide à faciliter la parole ("dénouer la langue"),[4] le poéte introduit la morale du poème : l'orgueil mène l'homme à sa chute finale (A: 93; B: 9,10, 89, 123). La domination d'Ajerrar sur ses sujets et l'injustice envers eux sont alors exposées. Pour isoler celui-ci, le Chérif fait recours à sa puissance financière. A ce dernier, Ajerrar demande le pardon. Mais l'intransigeance du Saint, qui est plus préoccupé par la protection de son honneur (A: 28; B: 105) que par les richesses de son ennemi, est sans faille. Après sa défaite finale, Ajerrar supplie son adversaire d'avoir pitié de lui avant son exil. Pour apaiser sa colère, le chef des Iguzuln décide de détruire les battisses de son ennemi et de le faire souffrir le plus longtemps et le plus durement possible.

           

            La morale du poème est enfin rappelée : l'orgueil est la vraie cause de la chute d'Ajerrar. De toutes les façons, personne ne peut échapper à son destin, dit le poète. La malédiction des ancêtres du Chérif a précipité la perte de celui dont la nature ne peut être que mauvaise par manque de noblesse familiale. Pour terminer, le poète évite de se prononcer sur le sort final d'Ajerrar aux mains de son ennemi. Sur ce point il dit ne rien savoir puisqu'il n'a que des propos susceptibles de contenir des erreurs.

 

            Les deux versions ont aussi ceci de commun. Comme on l'aurait déjà deviné, le nom complet de l'adversaire n'est jamais mentionné. Jamais non plus l'auditeur n'entendra une seule fois son prénom, Muhammad. On a vu les différents termes et titres réservés dans les deux textes à l'un et à l'autre des belligérants. La version (B) utilise carrément une insulte "petit blond" (aÒgri) (B: 84) pour parler de l'adversaire du héros. Comme dans les versions historiques rapportant la mort de Hashem, père de Lhusayn, où on nous cache que U-Mhmud -  qui, dans les narrations orales propagées par Tazerwalt, n'a pas de prénom non plus  -  est en fait le cousin de l'assassiné et aussi Chérif que lui (voir Pascon 1984), ici on nous fait croire que Cheikh Muhammad ben Ali U-Abderrahmane, chef politique de la Maison des Ayt Jerrar est un homme quelconque de la tribu des Ayt Jerrar. Ni le poème ni la tradition orale ne se réfèrent à lui comme Cheikh Muhammad (ou Rays Muhammad b. Ali, comme dit Al-Soussi). Pourtant - ou plutôt parce que - il est le leader de toutes les tribus du leff Tahuggat, opposant farouche du leff Iguzuln dont Tazerwalt tient toujours le leadership. D'autre part, bien que Hummad U-Ali Ighil réduit la cause du conflit à une question d'honneur (A: 28; B: 9, 10, 98, 123), reflètant ainsi  les différentes narrations orales, il laisse échapper innocemment l'idée que le conflit entre les deux adversaires était en fait très ancien (A: 73; B: 112). Entre les deux sous-centres de pouvoir le conflit date certes de plusieurs siècles.[5]

 

 

 

Historique de la question

           

            L'animosité entre la Maison d'Iligh et celle des Ayt Jerrar remonte au moins à l'époque de l'expédition de Mulay Rachid dans le Souss (1081 / 1668) et est foncièrement ancrée dans la fameuse opposition des leff-s Tahuggat / Taguzult que le pouvoir central (le Makhzen) ne cesse d'exploiter. Justinard signale l'existence d'un arbre qu'on appelle encore "l'arganier de Moulay Rachid" à un kilomètre au sud de Talaint des Ayt Jerrar. C'est là, dit-il, que campa la mehalla chérifienne, venant du Sahel et allant au Tazerwalt le long de l'Anti-Atlas.[6] 

 

Rappelons d'autre part que la politique des leffs  et leurs ligues militaires  traversent le bassin de Tazerwalt même. Ici existent d'un côté les partisans de Mahmud al-Warrari de Tumanar, tué par Hashem en 1814, avec les Ayt Jerrar comme alliés ainsi qu' une moitié des Mejjat et de l'autre les partisans de la Maison d' Iligh avec les Ayt Rkha, les Ida Oultit et l'autre moitié des Mejjat. Citant Pascon qui, pour comprendre le Meurtre de Hashem, père de notre héros, essayait aussi de remonter le cours de l'histoire : "Le retour de la maison d'Iligh dans le Tazerwalt date de 1730 environ, quelques années après la fin du règne de Mulay Isma∫il et l'effritement temporaire de la souveraineté ∫alawite dans la région. Iligh détruite  en 1670 par le raid de Mawlay ar-Rachid n'a pas été reconstruite  et le pouvoir au Tazerwalt se tient dans le bassin de Tûmanâr, sur le site antique de Tawrirt n'Qorn [mqqorn] dont on voit encore les ruines (c'est Husayn U Hâchem qui la détruira), au-dessus des jardins de Tigâg. Le lignage de ∫Ali est à la chefferie et fournit le pouvoir politique héréditaire depuis plus d'un siècle. Il doit compter à l'Ouest avec la puissance magico-religieuse du lignage de ∫Ali U Idder, établi à Tûmanâr même, qui avait été renforcée par le makhzen ∫alawite et qui avait ré-introduit les Ouled Jerrâr au Tazerwalt; au Sud-Est, la zaouia de Sidi Ahmad U Mûsa est tenue par le lignage de ∫Abd Allâh [auxquel] il est allié. La Maison d'Iligh ne pouvait espérer grandir sans faire sauter le verrou d' Irhil [Ighir} Melloulen, col qui ouvre à l'Ouest sur la riche plaine de Azaghar, Tiznit et la côte océanique, c'est à dire que l'objectif premier était l'alliance et / ou la liquidation du clan de ∫Ali." (Pascon 1984: 101)

 

            Dans un fragment de chanson sur la mort de Sidi Hashem rapporté par Justinard, le poète qui le composa, sans doute au temps du fils, notre héros, s'adresse à ce dernier en ces termes:

 

                        Sidi Lhusayn U-Hashem, vient donc relever tes frères,

                        Le chacal en a mangé, et le corbeau et le vautour aussi.

                        Le hérisson en a manger, lui qui n'a jamais mangé les morts.

 

En fait, l'auteur de ces vers faisait "une allusion ironique à un combat récent au cours duquel les gens de Tazerwalt, vaincus, n'auraient pas pu emporter leurs morts, la plus grande disgrâce pour les Chleuhs."[7] De quelle bataille s'agissait-il et par quel poète ces vers ont été composés et chantés, on n'en sait rien sinon que cette  bataille est autre que celle qui nous concerne ici. Peut-être une riposte pour - entre autre - venger les morts et essuyer l'humiliation dont parle l'auteur non identifié. Toujours est-il que, pour ce qui concerne au moins celle de 1874, comme on vient de le voir, il s'agit bel et bien de la suprématie de la Maison d'Iligh non seulement sur celle des Ayt Jerrar mais sur toute la région du Sud-Ouest marocain. Aussi bien le poème d'Ighil  que les narrations orales ou écrites qu'on verra plus loin ne cessent de rappeler la ruichesse du Lhusayn de Tazerwalt, sa générosité, son art d'utiliser le pouvoir d'argent pour corrompre... Or qui dit richesse dit puissance. Mais avant de relater ces narrations, voyons d'abord les deux versions du texte de Hummad U-Ali Ighil et comment  la bataille entre Tazerwalt et les Ayt Jerrar y est relatée.

 

 

 

II. POEMES ET TRADUCTION [8]

 

 

            Dans les deux versions (A) et (B), nous avons adopté pour la transcription le système alphabétique latin utilisé par Madame Galand dans ses travaux sur la poésie berbère tashelhit et en particulier dans Recueil de Poèmes Chleuh, Kliencksiek, 1972. Les consonnes longues sont représentées par des doubles lettres, les emphatiques par un point sous la lettre (sauf pour Ì) et les consonnes à articulation labiovélaire par le signe adscrit °. Quant au problème de la prosodie nous ne l'avons pas abordé ici. Disons simplement que la formule rythmique est, pour le premier vers, comme suit :

            a          lay       la      li   la   la   li   la                lay             la lay   da lal

            (A)       bis       mi    lla ha  ti    su ra              tum            li  lin    ga nin

 

            Pour la traduction, nous avons volontairement évité de la donner  trop littérale pour ne pas alourdir la version française. La division des deux textes en différentes parties reflète notre propre compréhension de la structure du contenu.

 

 

 

A. Texte et traduction de la version A (Brown 1970)

 

1. Texte de la version A

 

           

                                  Utzerwalt d Ujrrar

 

 

1. Bismillah a tisura tumlilin, ganin                                                   1

2. Tid sa irππm yan lbab iµ ran ad sawln                                              (2)

3. A l∫in-ad ukan ikkatn s ta∂∂angiwin

4. A Bni-∫Qqub, walli s a tbrraz◊ awal                                        6

5. Ur a◊ gummiµ, ur a◊ ttara◊, lbdi∫ ad salaµ

6. Inna s ka ri◊ ad gis bdu◊, awsi yi gisn ÒÒi◊ !                             7

7. Ljdid a kullu ∫mmerµ, aqdim ur darnµ.

8. Ya iran ad a◊ islla, fissn iqqil-d awal,

9. Aw ur isawal, ar kullu frru◊ l◊°bar-nµ.

10. Ara a imi-nw fasr ma flla-wn illan, biyin-t !                                 (3)

11. Ini ssÌiÌ, imma tikrkas l∫ayb ad gant.                                      4

12. Yan iskrksn, zun yukr. LeÌkmt a ig lÌal.                                              5

 

13. A lbari t∫ala njja-yaµ ◊ lkibr ar i◊°lla !                                     9

14. Kra ◊ illa labudd att i◊°lu ard lÌrn.                                               10

 

                                                I

 

 

15. Is nπra Ajrrar ar iqq°ay l∫Òur iµd ukan                                     15

16. IbrrÌ i uqq°bil-ns ar iqq°ay gigan d lmal.                                       16

17. IÌkm kullu f igidar-nsn, ar asd ukan ttasint

18. Ikabarin n l∫Òur; gin aqqbil-ns

 

19. (A tadsa yat tinibtt, yan i∫≈an irjm-t-in)                                     18

20. Izimmr i takat. A i≈Ìan iskr turdilin.                                         (17)

 

21. Illi◊ ira att yut rbbi yak°i ◊ warraw n Ugrram,                               13

22. Immaµ µ lÌurma ar nqqan tarwa n izm, ur issin

23. Is tlla tagat a illiµ iπra lburhan-ns

 

24. Sidi LÌusayn u-HaÒm yusi-d ti◊zanin d lmal.                                    19

25. Ar tnt thbun immaµ ad i◊lu a∫daw-ns.                                      20

26. Ilin ◊ Udwwar ar ismkil mad dids illan,                                                (21)

27. Tawin ya tsga yat i Bufuln ibidd wawal,                                       23

28. Idl aylli◊ lalan s l∫ar lli isn∫an lbarud lli llan µ gratun.

 

29. A La◊≈a≈ a kullu (thdum), nµ munn i Ugrram.                              (22)

30. Id Larba∫ ka yilin n∫rn i Ujrrar.

31. Mmaµn aylliµ akk° ∫dln ngratsn thnnan.

32. Asind tiggura d imndi f jjrt akkw°Ujrrar.

 

33. Iws n Sidi HaÒm hatinn rbbi ad fllak                                         34

34.  Igan tilila d ljdd-nk illa l∫ar bahra fllak                                                 35

35. Ur a◊ kinn ttajjan i tassast, iÌa∂r ukan                                            36

36. Izm i wayyad a rbbi gan l∫wan i Ugrram.                                               37

 

                                                II

 

37. Immaµ Ujrrar aylliµ irmi i∂alb ÒÒr∫.

38. I≈rf s Ugrram inna yas: "l∫fu ◊ ngrat-nµ !                                 50

39. Iµ tfuwwt aqn∂ar ng wayy∂ fllas.

40. Iµ tfuwwt mraw iqn∂arn, ngi-d ∫Òrin.

41. ∆if-llah a Yagurram, a yiwrri l∫fu ngrat-nµ !                           (51)

42. A ur ng amrÌul ad ukan µ°iµ aqbil-nµ ! "                                  52

43. Tad≈a n imuslmn, wanna-tts igan hatin                                       53

44. ......................................................................

 

45. Ijawb Ugrram inna-yas, ......................... :

46. "Nkki a iµ°in azaµar, nµ°i tiqbilin hatin                                        85

47. Nga yak-tn µ ufus, l◊ir-nµ ur gigun byyin.                                    86

48. Ar gigi ttakwit hayyaµ, is riµ ad fllak

49. Ngiwr asg°as ula ∫Òrin ∫am ard akk hbun

50. Lawmal-nµ nµ akk° hban wink. Ad didk jmm∫aµ

51. A iwis n ∫BdrÌman, nkki didk ur aµ-d iqqan                              87

52. A sul nmun, hann illa ufrag ngrat-nµ.                                                88

53. Imma lmal ur a srs ik°nd urgaz abla lÌÒum                                62

54. Nµ yan inufln, imma kiµ-dd nkkin hatin                                     63

55. Ayda-nu kullu yuti la≈l akk° n Ujrrar                                       64

56. Ula krat iwalan, ula kra igan aqbil-ns".                                     65

 

57. Ibiss Ujrrar aylliµ issn mad as-d nnan.

58. I∫awd immiµ, a i≈Ìan, urta gis hyyin.

59. Immaµ sul imalass aylliµ irmi ∂albn ÒÒr∫.

 

60. I†m∫ imil ad rπin lgum llid fllas imunn,                                         72

61. A i≈Ìan, lÌaqq rzmn gis isdrman.                                                          73

62. I≈rf s Ugrram inna-yas: "is ri◊ ad ∫mmr◊                                        75

63. Yan ttam isrdan immik ann srsn igli yan.                                 76

64. ∆if-llah a Yagurram ! a ur nddu bla yat,                                       78

65. Imma rrÌil nssn is rÌl◊, ur dari bla kiyyi.                                      79

66. A waÌd rbbi wattali hatn, ar a◊d ikkat".                                       80

67. (Iws n ∫BdrÌman inna yas: "Ad-didk imun".)

 

 

68. Iwajb-as Ugrram inna yas: "Yan-asd ukan                                    108

69. I∫rd-nn iµ ira add iffuµ ut-at s imi n uburi !                                  109

70. N◊ as tgit lbabbur aws-as ard iffuµ.                    

71. Iµ ismun rrtu∫-ns ukan ∫lmaµ- d ann nkrµ                               110

72. Nf tiglzam i lbruj ard ibrrd ul-nµ                                                    111

73. Anniµ aµddar gigan ayd ikka ihul-aµ.                                        112

74. Imma lmut fki◊ asn laman, a rbbi, d∫i◊-as                          113

75. Urt nqqa◊ ula inµa-t urgaz abla ass                                                114

76. Nnat inµ walli gis igan layyam d rruÌ                                      115

77. I◊ ijla ◊ ddunit ifl-d tarwa fln-d lmal,

78. Zun nit i◊ illa ◊ ism∂al, ikÒm nit d wakal

79. Imma init nµi◊ han skr◊-as matt ishnnan.

80. Mad ri◊ ddnub-ns, ur as iπ∂ar abla nttan.

 

81. Iws n Ublaµ iµ°i akk° la◊°bar n Ugrram.                                (100)

82. Imun d Ujrrar, att ur nµin willi mdinin,

83. Iskr fllas inaµan, ikksas-nt hakkak.

 

84. Ya igan ÒÒaji∫ l∫ar-nsn a◊ a †h¬¬un.

85. Ar asn izggur arddaiffµ ta∂∂angiwin

 

 

                                                III

 

 

86. ›ubÌan llah l∫a∂im ! l◊la zund asif                                             116

87. A iga wanna tlkmt a luqt izayd rÌln.                                            117

 

88. Lgayza llis kullu tbnam laqwas n Ujrrar

89. I◊°la-tt kullu rbbi d l∫wan n Ugrram.

90. Sidi Îmad u-Musa bu-talilt, a rbbi d kiyyin

91. A igan amalu i ddrrit-nk, i∫dm tilila

92. I walli gis ittggan i◊f a dids immaµ.

 

93. Iπuπ∂ ulili a yaru lÌlu a ig imim                                                    121

94. Iπuπ∂ lklb, a yadd i tasa-ns, mqqar dars

95. Ma◊ iskr l◊ir, lklb igan ilamn πminin.

96. Iπuπ∂ Ujrrar add iffµ, ar gim ittbrram (tigmmi-ns)                     122

97. ∫mmrn (id-waÒÒ), lkibr-ns katt akk° gis isdullan               123

98. Sidi Îmad u-Musa lli◊ iggull ad asd iµ°in                               124

99. Afus , a i≈Ìan, isskÒm-t i tillas d l◊uf.                                         125

100. Iµ°i-tn Ugrram ig-asn izikr mkad n ufunas                            126

101. Ilin µ lÌabs, hatin ddnub-ns ayad s ikrf                                       127

 

 

102. Ur sul nssn is immut, is yuki d wakal.                                      128

103. Ula ≈≈Ìi◊ is isul nkki ur dari bla awal                                        129

104. AÒku rbbi ka issfawn bnadm d wayya∂.                               130

 

                       

105. Nkmml awal-inw s llah, irÌm lwaldin-nµ

106. IrÌm Sidi MuÌmmad, d la≈Ìab ad flla˚

107. Iµfr mulana dunub nzri ◊ udm-nnun

108. A rasul llah, aÒafi∫-nµ, kullu i∂mn-aµ

109. Ntta iga ÒÒafi∫ arraÒid kullu µ limu®

110. Ntta a iga lqn∂rt llis ittsnnad kiwan

111. Yan srs ur iµ°in iÌrm ad fukkan µ nnar.

112. Ad a◊ isnwifiq rbbi d nnbi bu-lburaq.

113. Ann srs µ°i◊ ddunit-inw ula µ li◊rt.

114. I◊ a◊ tmman ussan ad akk° µ°i◊ talli idawmn.

115. AÒku ddunit ur ddum, a idumn d li◊rt.

116. Mla tdum ddunit, tdum i µ°illi zrinin.

117. Nkmml awal-inu s llah irÌm lwaldin-nµ

118. Imma lmasalik n ddunit urta sul hyyin.

 

119. ›amÌ i nna∂im a mulana i◊ izuyd awal,                                      131

120. Ula i◊ ikrz akal ur igin wins bla ÒÒr∫.                                     132

 

 

 

 

2. Traduction de la version A

 

           

                         La Bataille entre Utzerwalt et Ajerrar

 

 

 

1. Au nom de Dieu: ô clef immaculée

2. Celle qui doit précéder toute parole.

3. O source qui ne cesse de s'agiter en vagues !

4. J'invoque, ô Ben Yacub ! ton don de la parole.

5. Je ne lis pas, je n'écris pas, c'est la poésie que je pratique.

6. Aide moi, ô Maître ! quel que soit mon choix,

7. Je déborde de poésies nouvelles, la vieille, je n'en ai pas.

8. Quiconque veut m'entendre, qu'il fasse attention,

9. Qu'il ne parle pas jusqu'à ce que j'expose tout mon récit.

10. De l'audace ma langue, accomplis ton devoir et soit claire !

11. Parle juste, le mensonge est un mal;

12. Celui qui ment est pareil au voleur : l'essentiel, c'est la sagesse.

 

13. O le plus grand ! préserve nous de l'orgueil qui détruit;

14. L'orgueilleux est nécessairement anéanti et doit s'en aller.

 

                                                I

 

15. Nous avons vu Ajerrar prélever la dîme chaque fois

16. Qu'il rassemble sa tribu, il touche une fortune:

17. Il contrôlait tous ses greniers. Les gens lui amenaient

18. leurs dîmes et devenaient ainsi ses partisans.

 

19. (A chacun son tour, celui qui refusait d'obéir était lapidé).

20. De chaque foyer, il exigeait un mouton. En effet, il était vil.

 

21. Quand Dieu a voulu le maudire, il attaqua l'enfant du Saint;

22. Il se battait dans le sanctuaire et tua le fils du lion. Il ignorait

23. L'existence de la malédiction jusqu'au jour où il a vu ses signes.

 

24. Sidi Lhouss U-Hashem prit réserves et argent,

25. Se prépara et lutta pour détruire son ennemi.

26. Il occupa le village  Adouar et nourrit ses alliés

27. - Une partie en entraîne une autre. Les Bufuln tiennent parole -

28. (De partout soutenu par l'honneur qui est la cause même de ce conflit.)

 

29. Toute la communauté des Akhsass obéissait au Saint.

30. Seuls les gens de Id-Laarba était du parti d'Ajerrar

31.

32. Ils déménagèrent, emmenant avec eux portes et orge, à cause d'Ajerrar.

 

33. Fils de Sidi Hashem, c'est Dieu qui te

34. Protège et ton aïeul aussi !

35. Tous deux ne te laissent pas en difficulté. La présence

36. Du lion est auprès de son semblable. Dieu est le secours du Saint.

 

 

                                                II

 

37. Ajerrar se battait jusqu'à épuisement et demanda justice;

38. Il envoya un message au Saint : "Que le pardon soit entre nous", lui dit-il

39. "Si tu as dépensé un quintal, je te dédommage d'autant;

40. Et si c'est dix que tu as perdus, je t'en donne vingt.

41. Au nom de Dieu et de ton aïeul, je t'en supplie : Que la paix soit rétablie entre nous.

42. Que je ne devienne pas nomade. Que je reste dans ma tribu."

43. Celui qui est la risée des musulmans

44. (Même roi, il n'a plus de valeur.)

 

45. Agurram lui répondit:

46. "C'est moi qui détiens la plaine et les tribus,

47. Que j' ai laissées entre tes mains: certes tu es ingrat.

48. Or tu oses m'attaquer; maintenant je veux te

49. Soumettre un an et même vingt quitte à perdre toutes

50. Mes richesses pour te ruiner. Je te le dis,

51. O fils de Abderhman ! toi et moi ne pouvons plus

52. Demeurer ensemble: entre nous la rupture est totale.

53. Sache qu'avec de l'argent, on ne trompe qu' un enfant

54. Ou un fou. Quant à moi

55. Mon patrimoine est bien supérieur à celui d'Ajerrar,

56. De ses proches ou de toute sa tribu."

 

57. Ajerrar écoutait tout ce qui lui a été dit.

58. Il recommença alors les hostilités. En vérité, loin était la paix.

59. Il se battait encore une semaine avant de demander justice.

 

60. Il voulait certes détruire la foule armée qui

61. l'encerclait. Certes, c'est son injustice qui fait qu'on le combatte.

62. Au Saint, il envoya un message lui disant: "Je voudrais charger

63. Huit mulets que je prendrais avec moi,

64. Par Dieu, ô saint homme, que je ne parte pas les mains vides !

65. Quant à mon exile, je sais qu'il devient nécessaire. Je n'ai plus que toi,

66. O Dieu l'unique, je suis attaqué de partout.

67. (Un roi vaincu l'est toujours par un autre)"

 

68. Le Saint prit la parole et disait: "Que celui qui

69. (L'attrape le cogne, s'il veut s'enfuir, avec la crosse de son fusil.

70. Ou qu'on l'aide à sortir. Qu'on lui procure où mettre ses affaires, et

71. Prévenez-moi dès qu'il les aurait prises.)

72. Les pioches détruiront tout le reste jusqu'à ce que se calme notre colère.

73. Nous ferons souffrir le méchant, il y a longtemps qu'il nous ennuie

74. Quant à la mort, il a notre parole, par Dieu,

75 Il ne sera tué ni par nous, ni par un autre,

76. Mais par Dieu qui lui a donné âme et vie.

77. Perdu sur terre et laissant derrière lui enfants et biens,

78. C'est comme s'il est déjà mort et enterré.

79. Mais si je le tue, c'est un service que je lui rends.

80. Alors qu'il garde ses péchés. De ceux-ci, je n'ai rien à faire."

 

81. Le fils d'Ablagh a reçu les nouvelles du Saint.

82. Il accompagna Ajerrar de peur que les guetteurs l'abattent.

83. Il en tua certains. Ainsi est sauvé Ajerrar .

 

84. Tout téméraire s'occupe du bien être de sa famille

85. Et la guide dans l'océan pour la faire échapper aux vagues.

 

 

                                                III

 

 

86. Gloire à Dieu tout puissant ! la destruction est comme un oued.

87. Tel est celui pour qui sonne l'heure, prêt à s'en aller.

 

88. Les poutres qui soutiennent les arcades des édifices d'Ajerrar

89. Ont été toutes détruites grâce à Dieu et à l'aide du Saint.

90. C'est Sidi Hmad U-Moussa, le sauveur, et toi mon Dieu

91. Qui protègent leur enfant et découragent

92. Tous ceux  qui osent le combattre.

 

93. Le laurier-rose voudrait bien donner de la douceur

94. Le chien voudrait bien devenir gentil; même quand il a l'occasion

95. De faire du bien, il reste avare.

96. Ajerrar voudrait bien sortir et profiter de toi

97. (O vie !). Seul son orgueil le perdit dans ce monde.

98. Sidi Hmad U-Moussa, par qui il a juré, lui prit

99. la main et l'enferma dans l'obscurité et la frayeur.

100. Avec une corde, le Saint l'attacha comme une vache

101. Et l' emprisonna. Avec ses pêchés, il est ainsi ficelé.

 

102. Je ne sait plus s'il est mort et enterré,

103. Ou s'il est toujours vivant. Moi, je n'ai que des paroles.

104. Seul Dieu connait ce qui se passe entre les humains.

 

 

105. Je termine mes propos en invoquant Dieu.

                                                            Que Sa miséricorde  soit sur nos ancêtres,

106. Qu'elle soit sur Sidi Mohammed et ses compagnons. Que notre Seigneur

107. Nous pardonne nos péchés et qu'il nous sert d'intermédiaire;

108. Le messager de Dieu, notre intercesseur, est notre garant à tous.

109. C'est lui le bon intercesseur, le guide dans toute chose;

110. C'est lui le pont dont se sert tout un chacun.

111. Quiconque ne s'en sert pas est voué aux flammes (de la Géhenne).

112. Que Dieu nous mette en accord avec le Prophète au Pégase

113. Pour faire réussir ma vie d'ici-bas et dans l'au-delà.

114. Si ma vie vienne à terme, que je gagne l'éternité.

115. La vie ici-bas n'est pas éternelle, seul l'au-delà dure;

116. Si elle était éternelle, elle l'aurait été pour les générations passées.

117. Je termine mes propos en invoquant Dieu.

                                                            Que Sa miséricorde soit sur nos ancêtres,

118. Quant aux problèmes de ce monde, ils ne sont pas encore finis.

 

119. Pardonne au poète, ô Seigneur, s'il exagère ses propos,

120. Ou s'il cultive une terre qui n'est pas légalement sienne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

B. Texte et traduction de la version B (mss. Pascon-Benihya)

 

 

1. Texte de la version B

 

Hadhâ mâ qâla al-marÌûm bi-llah MuÌammad ben ∫Ali Iµîl

min banâti fikrihi:

 

 

1. Bismi llah a tisura tumlilin ganin                                                   1

2. Lfal s irπem yan lbab, i◊ ran ad sawln.                                             (2)

3. Zayd a imi-nu, ◊ iwaliwn; ara z∫m nit

4. Ini ≈ÌiÌt ! imma tikrkas, l∫yub ad gant,                                      11

5. Yan iskrkisn zun ukrn: lÌÒmt a ig lÌal.                                                12

6. A Bni-∫Qqub, a walli s a tbrraz◊ awal                                        4

7. Innas ka ri◊ a ggis bdu◊, aws-i gisn a ÒÒi◊ ;                             6

8. Rar sis awal, a yimi-nu: ngi zund asif.

 

9. A lbari -t∫ala, njja-yan◊ ◊ lkibr, ar i◊°lla                                       13

10. Kra ◊ illa, labudd a t i◊°lu, ard irÌl !                                               14

                       

                                    I

 

11. Is nπra Ajrrar, ilalli ◊ lmrasi ∫dlnin,

12. Ig l◊yar n takatin; ig amµar, iz∫m nit.

 

13. Illi◊ ra-tn yut rbbi, yak°i ◊ warraw Ugrram                                   21

14. Gin-d iwwutta µinna ◊ akk° ittmussu Ugrram.

 

15. Is nπra Ajrrar, ar iqq°ay l∫Òur, iµd ukan                                                15

16. IbrrÌ i uqbil-ns, ar iqq°ay gigan d lmal:                                       16

17. Ag°lif i takat, d izammarn ujadn ukan,                                         (20)

18. Tadzayrit i nnibt, yan i∫≈an irjm-tin.                                               19

 

19. Sidi LÌus U-HaÒm, yusi-d ti◊zanin d lmal,                                   24

20. Ar-tn thyyun; immaµ ad i◊lu a∫dawu-ns;                                                25

21. Isrs ◊ U∂wwar, ar ismkil ma yyids illan:                                     (26)

22. A◊≈a≈i kullu jami∫-nsn as-asd nkrn                                              (29)

23. Tiwi-nn yat tsga yat. U-Bufuln, ibidd wawal-ns,                     27

24. I◊°la ◊-l∫arba tig°mma, s∫an, urd imik.

 

25. A La◊≈a≈, imun ka wawal-nsn, illi◊-d nkrn,

26. Ar◊a, kullu b-ttimam-nsn, as-asd nkrn,

27. AÒtukn, kullu gigan asd nkrn d-uyyis

28. Wula Aba∫mran, wula kullu krad igli Sus.

 

29. Ur iÌri≈ Ugrram lmal-nsn as asd imun

30. Umµar ula lmsakin, ryal ad ran imuslmn.

 

31. I◊ atn akkan ukan, ur gis i∫dm yan !

32. Yan mit fkan, iqqand asd n∫rn,

33. Nµ-t-inn irur, a ur yasi nn∫rt Ujrrar.

 

34. Yus n Sidi HaÒm, hatinn rbbi ad fllak                                         33

35. Igan tilila, d ljdd-nk in∫r bahhra fllak.                                        34

36. Ur a◊-k-inn ttajjan i tassast iÌa∂r ukan                                            35

37. Izm i wayya∂ ! rbbi gan l∫wan i Ugrram;                                               36

38. Yan gi-k ittak°in, is gan am≈ud, ijla-yas l∫aql.

39. Agllid, ur-tn igi, a ÒÒrif, abla kiyyin !

40. AÒkun, lmal-nk, is akk° iÌgr tiqqbilin.

 

41. Tal∫int ka-nn iµaman i yiws Ujrrar.

42. Kulmma-yas igan ljiÒ, igrawl-d fllas,

43. Ar-t-inn ikkat, aggis i◊lf tilli zrinin.

 

44. Ya igan amµdar, ar nqqan mddn bla ÒÒr∫,

45. Iqqand, a tawala i◊f-ns, attnt lkmn, ◊d- nttan,

46. Ar-tn ifrra, ur-ta yakk° yuki d wakal.

47. Zund igigil, i◊ as immut babas d immas,

48. Gin waÒÒ, imma yas∫di, ur-t igi Ujrrar !

49. Mta iga as∫di, iµ°i nit lmraÌ-ad ◊ iffuµ.

 

50. I≈rf s Ugrram, inna-yas: "a l∫fu ◊ ngrat-n◊                         38

51. LÌurma n rbbi d ljdd-nk, a ÒÒrif, lhna ◊ ngrat-n◊ !                      (41)

52. A ur ng amrÌul, ad ukan µ°i◊ aqbil-n◊ !"                                                42

53. Ta∂≈a n imuslmn, wannatt igan, hatinn !                           43

54. Mqqar nit iga ◊ igldan, izri-t-id wawal.                                                (44)

           

55. I≈rf sis Ugrram, inna yas: "MuÌal, dak yaru u∫ami

56. A Yajrrar, ng sidi-k bn sidi-k, ar gigi tak°i-t;

57. IÌrm lhna ◊ ngrat-n◊, i◊ ur-ta iffuµ lbaru∂

58. A◊-tnt-id gunna◊; illi◊ yad iffuµ, a i≈Ìan, ur sul at-dawa◊.

59. Mnnawt a◊-i tµ°drt, ur jju-nk nµ°dr yat !

60. Lin≈af-nk ukan att igan, d aggis trÌlt !

61. Ad kullu sm∫an imuslmn i tirπi-nnun."

 

62. Imma lmal ur a yis ikkund urgaz, abla lÌÒum                               53

63. N◊ yan inufln. Imma ki◊-µd nkkin hatinn                                   54

64. Ayda-nu yuti kullu la≈l akk° Ujrrar                                          55

65. Ula krat iwalan, ula ma igan aqbil-ns.                                       56

 

66. Illi◊ ∂m∫an, ad-a◊ kfin ryal ad hnnan !

67. I◊-nn skr◊ lhna d Ujrrar, ur yiwi nndumat,

68. Ula iga amrÌul, azkka da◊ yak°i-d flla◊;

69. Ar iskar lfa∂ayÌ yugrn tilli zrinin;

70. Mqqar nit fkan lmiyyat, urt-inn akk° hmmi◊.

 

                                    II

 

71. Izayd Ujrrar i yimiµ, urta giz hnnin;                                            (37)

72. I†m∫ imil, ad rπin lgum lli-d fllas imunn.                          60

73. A i≈Ìan, lhaqq: rπmn gis isdrman,                                              61

74. Illi◊ sul iggammi matt-inn ittµitn, bla rriÌ.

 

75. I≈rf s Ugrram inna yas: "is ri◊ ad ∫mmer◊                          62

76. Yan ttam isrdan; imikk, ann srs igli yan,                                               63

77. Illi◊ rad lÌr◊, lmunt-inw a yids nmun.                 

78. ∆if Llah a Yagurram, a ur nddu bla yat,                                       64

79. Imma rrÌil, ssn◊ is rÌl◊. Ur dari bla kiy                                          65

80. A waÌd , a rbbi ! wa-ttali hatn ar a◊-d ikkat.                               66

81. I◊ ittuµlab ugllid, iknu-t-id wayya∂."

 

82. I≈rf srs Ugrram, inna-yas: "∫mmr sba†a∫Ò,

83. A yus n ∫BdrÌman: lmal-nk ur a◊ hmmin,

84. Tazzlt, a yaÒgri, (iÒbukn) n grat-n◊.

 

85. Nkki a iµ°in azaµar, nµ°i tiqbilin, hatinn                         46

86. Nga yak-tn ◊ ufus: (l◊ir-n◊) ur gigun biyyin,                             47

87. A yus n ∫BdrÌman ! nkki nidk ur a◊d iqqan                                51

88. Ad sul nmun: hann illa lfrag ◊ ngrat-n◊.                                              52

89. Yut-tn ukan rbbi d lkibr-ns, izayd rÌln.

 

90. Illi◊ ra iffaµ ukan ar ismrag lmwa∫in:

91. Irπ ibÒkan n watay, irπ-k a lbdi∫-ns,

92. Irπa kullu tiggura, irπa tizlafin;

93. A zzit, iga-yas lk∂ran, at-tÌrru ◊d nttat;

94. Lbaru∂, iga-yas aman, ann yili µ wa††ar.

 

95. Ur sul-nn ukan ifil, abla tidwariyyin,

96. N◊ tisrfin n tmπin, wa-ttali, hban akk°.

97. Utn nqab, ukan izayd, lwrn.

98. Imma imi n tgmmi, ik≈u∂ arr≈a≈n jhlnin.

99. Llan gis i∫yyaln, llan gis iÒbura, mdin-as.

 

100. Yus n Ublaµ ad asd izwarn, illi◊-d iffaµ.                            (81)

101. Yus n Ublaµ inna-yas: "amÒiwar da-n◊ !

102. Ad πr◊ Agurram, a nissan mad-a◊-d nnan".

 

103. I≈rf s U∂wwar, inna yasn gis (i) Ugrram:

104. "Izd iffuµ Ujrrar, itt∫r∂-as-d alffa-d-n◊

105. Izz  nkkat a nmmaµ: ard njejm l∫ar;

106. Izd att najj att nµin ? Aywa wajbat-a◊ !

107. Ma igan lµ∂-nk, a fllas nawi, µd nkki ?"

 

108. Iwajb-as Ugrram, inna yas: "Yan as-d ukan                            68

109. I∫r∂n, ut-at s imi (n) uburi !                                                           69

110. I◊ ismun rriti∫-ns ukan, ∫lm-a◊ (nenka◊),                                  71

111. Nfk iglzam i lbruj, ard ibrrd ul-n◊;                                          72

112. A nµzu ◊ ∂∂alm, gigan ayd ikka ihul-a◊.                                 73

113. Imma lmut, fki◊-as laman n rbbi, d∫i◊-as                          74

114. Ur-t nqqa◊, ula inµa-t urgaz, abla µass                                               75

115. Nnat inµa rbbi lli gis igan layyam d rruÌ.                         76

 

                                    III

 

116. ›ubÌan llah l∫a∂im ! l◊la zund asif                                             86

117. A iga wanna tlkmt a luqt, izayd lÌrn.                                            87

 

118. A mqadz agllid, i◊ n≈rn, ibnu tidwariyyin,

119. Ibnu kullu tim≈riyyin ◊ ljuhr, i◊ ur immut,

120. Hann tma lmqqadir urt ikki, mdin-as.

 

121. Iπuπd ulili ad arun lÌlu, a ig imim !                                              93

122. Iπuπd Ujrrar add iffuµ, ar gim ittbrram,                                   96

123. A mmu lµrur ! Lkibr-ns att akk° isdullan.                                 (97)

 

124. Sidi Îmad U-Musa, lli◊ ggulln, ad-as iµ°in                               98

125. Afus, yawi-t-inn, iÒÒkÒm-t i tillas d lµuf.                                99

126. Iµ°i-tn Ugrram, igas izikr mkad n ufunas,                                   100

127. Igi-t ◊ lÌbs. Hatinn ddnub-ns ayad s ikrf.                          (101)

128. Ur sul nssin is immut, is yuki d wakal,                                      102

129. Ula ≈≈Ìi◊ is isul. Nkki ur dari abla awal;                         (103)

130. AÒku rbbi ka issfawn a bnadm d wayya∂.                               104

 

131. A samÌ i nna∂im a mulana, i◊ izuyd awal,

132. Ula i◊ nkrz akal, ur igin winnu, bla ÒÒr∫.

 

 

 

 

 

 

 

 

2. Traduction de la version B

 

 

Voici les propos de feu Mohammed ben Ali Ighil,

résultats de ses réflexions

 

 

1. Au nom de Dieu: ô clef immaculée

2. Présage bénéfique qui doit précéder toute parole.

3. De l'audace ma langue, produits des propos,

4. Parle juste ! le mensonge est un mal,

5. Celui qui ment est pareil au voleur: c'est une honte.

 

6. O Ben Yacob ! j'invoque ton don de la parole;

7. Aide moi, ô Maître ! quel que soit mon choix.

8. Parle, ô ma langue ! coule comme le fleuve.

 

9. O Grand Créateur ! préserve nous de l'orgueil. Il détruit.

10. L'orgueilleux est nécessairement anéanti et doit s'exiler.

 

 

                                                I

 

 

11. Nous avons vu Ajerrar. Il avait alors une belle résidence;

12. Il était le modèle des foyers, un chef audacieux.

13. Le jour où Dieu a voulu le maudire, il attaqua l'enfant du Saint

14. Et installa des bornes sur son chemin.

 

15. Nous avons vu Ajerrar prélever la dîme;

16. A chaque imposition sur sa tribu, il touche une fortune:

17. Une ruche par foyer, des moutons en quantité;

18. A chacun son tour, quiconque refuse est lapidé.

 

19. Sidi Lhouss U-Hashem prit réserves et argent

20. Le distribua et lutta pour détruire son ennemi.

21. Il s'installa au village Adouar et nourrit ses alliés.                                 

       

22. Toute la communauté des Akhsass se souleva pour se joindre à lui,

23. Un groupe en entraîne un autre. Les Bufuln tiennent parole.

24. Ils détruisirent des maisons de Laarba qu'ils pillèrent.

25. Les Akhsass se soulevèrent de manière uniforme;

26. Dans leur totalité, Les Ayt Rekha les joignirent;

27. Nombreux sont les Ashtouken à cheval qui se soulevèrent.

28. De même que les Ayt Baamran ainsi que tout le Souss.

 

29. Econome, le Saint ne l'était pas. Par son argent, il réussit à réunir

30. Le riche et le pauvre. Les gens ne convoitent que le réal.

31. Quand il en distribue, personne ne reste pauvre.

 

32. Quiconque en reçût lui doit assistance

33. Ou, du moins, s'empêche ainsi d'aider Ajerrar.

 

34. Fils de Sidi Hashem, c'est Dieu qui te

35. Protège et ton aïeul y participe de beaucoup !

36. Tous deux ne te laissent pas en difficulté. La présence

37. Du lion est auprès de son semblable. Dieu est le secours du Saint.

38. Celui qui t'attaque est un fou, dénué de cervelle

39. Roi, toi seul l'es, ô Chérif !

40. Parce que ton trésor surpasse celui des tribus.

 

41. Au fils d'Ajerrar, il ne restait plus que Talaint.

42. Tout ce qui était troupe armée lui tomba dessus

43. Et l'attaqua pour se venger du passé.

 

44. Le traître qui tue sans loi,

45. Son tour arrive nécessairement un jour !

46. Pour payer, avant de mourir, ses injustices.

 

47. Pareil à l'orphelin sans père ni mère,

48. Ajerrar est maudit. Il n'a pas de chance, car

49. S'il en avait, il ne serait pas sorti de chez lui.                                                    

 

50. Au Saint, il envoya un message: "Que le pardon soit entre nous,

51. Je t'en supplie au nom de Dieu et de ton aïeul: Que la paix soit entre nous.

52. Que je ne devienne pas nomade, que je reste dans ma tribu".

53. Celui qui est la risée des musulmans,

54. Même roi, il n'a plus de valeur.

 

55. Le Saint lui répondit: "Est-il possible que toi, fils d'illettré

56.  Tu m'attaques, moi ton seigneur et fils de seigneur ?

57. Entre nous, il n'y aura donc pas de paix. Avant que la poudre n'ait tonné,

58. Je te prévenais. Maintenant qu' elle a tonné, en vérité, je n'y peux rien.

59. Tu m'as trahi plusieurs fois, je ne l'ai pas fait une seule;

60. Ta juste punition doit être l'exil,

61. Que tous les musulmans soient au courant de ta défaite.

 

62. Avec l'argent, on ne peut tromper qu'un enfant

63. Ou un fou. Quant à moi

64. Mon patrimoine est supérieur à celui d'Ajerrar,

65. De ses proches ou de toute sa tribu".

 

66. "Quand Ajerrar espérait nous acheter, il était tranquille.

67. Si je faisais la paix avec lui sans qu'il se repentit

68. Ou s'exile, demain encore il nous attaquerait

69. Et ferait des erreurs plus graves que celles du passé.

70. Même s'il me propose des quantités d'argent, il ne me considère guère".

 

 

                                                II

 

 

71. Ajerrar continuait de se  battre sans relâche

72. Espérant ainsi détruire la foule qui l'encerclait.

73. En vérité, tout s'écroulait autour de lui. Fatigué,

74. Il ne trouva personne pour le secourir, hormis le vent .             

 

75. Il envoya un message à Agurram et lui dit: "Je voudrais charger

76. Huit mulets. Que je ne reste pas sans rien.

77. Puisque je dois m'en aller, que ce soit avec ma suite,

78. Hôte de Dieu, ô Saint, que je ne parte pas les mains vides.

79. Quant à l'exile, je sais qu'il est nécessaire. Je n'ai que toi,

80. O Dieu, l'unique. Je suis attaqué de partout.

81. Un roi vaincu l'est toujours par un autre".                               

 

82. Le Saint lui répondit: "Charges en six-sept

83. - O fils de Abderhman ! ton bien m'indiffère -

84. Et cours, ô petit blond, plus d' histoires entre nous.

85. C'est moi qui détiens la plaine et les tribus,

86. Nous les avons laissées entre tes mains: certes tu es ingrat.

87. O fils de Abderhman ! toi et moi ne pouvons plus

88. Demeurer ensemble: la rupture est totale entre nous".

89. Alors Dieu le frappa ainsi que son orgueil. Il s'en alla.

 

90. Au moment de partir, il s'en prit à la vaisselle

91. Cassa service à thé et porcelaine;

92. Cassa portes et plats en terre.

93. A l'huile d'olive, il rajouta l'huile de cade pour la rendre amère

94. Et mélangea la poudre à l'eau.

95. Ne furent épargner que les salons

96. Et les réserves à orge. Tout le reste est perdu.

 

97. Puis il creusa une ouverture pour fuir

98. De crainte de recevoir des coups perdus. Devant sa maison,

99. De jeunes guetteurs l'attendirent à l'affût.

100. C'est le fils d'Ablagh qui le précéda jusqu'à la sortie

101. Et qui lui dit: " Nous discuterons chez nous,

102. Je vais voir le Saint pour savoir ce qu'il en pense".

 

103. Il envoya un message au Saint et lui dit:

104. "Ajerrar s'est-il échappé, notre leff doit-il l'en empêcher ?

105. Doit-on se battre pour sauver l'honneur ? ou

106. Doit-on les laisser le tuer ? Répondez,

107. Que je tienne compte de votre opinion !"

 

108. Le Saint lui répondit: "Celui qui

109. S'opposera à sa fuite, frappez le avec la crosse du fusils;

110. Prévenez-moi dès qu'il aura pris ses affaires.

111. Les pioches détruiront ses tours jusqu'à ce que se calme notre colère;

112. Nous ferons souffrir le méchant, il y a longtemps qu'il nous ennuie.

113. Quant à la mort, il a ma parole, par Dieu,

114. Qu'il ne sera tué ni par moi, ni par un autre,

115. Mais par Dieu qui lui a donné âme et vie."

 

 

                                                III

 

 

116. Gloire à Dieu Tout-Puissant, la destruction est comme un oued;

117. Tel est celui pour qui sonne l'heure, prêt à s'en aller.

118. Même un roi régnant qui a salons et chambres

119. En perles, tant qu'il est encore en vie,

120. Il ne peut éliminer les risques de sa chute.

 

121. Le laurier-rose voudrait bien donner de la douceur;

122. Ajerrar voudrait bien sortir et profiter de toi

123. O vie ! Mais son orgueil le perdit.

 

124. Sidi Hmad U-Moussa, par qui il a juré, lui prit

125. la main et l'enferma dans l'obscurité et la frayeur.

126. Avec une corde, le Saint l' attacha  comme une vache

127. Et l' emprisonna. Avec ses pêchés, il est ainsi ficelé.

 

128. Nous ne savons plus s'il est mort et enterré,

129. Ni s'il est toujours vivant. Moi je n'ai que des propos.

130. Dieu seul connait l'être humain.

 

131. Pardonne au poète, ô Seigneur ! s'il exagère ses propos

132. Ou s'il cultive une terre qui n'ai pas légalement sienne.

 

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III. REMARQUES ET COMMENTAIRES SUR LES DEUX VERSIONS

 

 

            Voyons maintenant les principales idées de la version B non inclus dans A. Le poète décrit les richesses d'Ajerrar puis le soulèvement des tribus du leff Iguzuln dans le Souss pour soutenir le Saint de Tazerwalt. Il fait aussi l'éloge de la générosité de ce dernier qui reste par ce fait le plus puissant chef dans la région.

 

            Ajerrar est ensuite dépeint retranché dans son village et attaqué de partout. Et ce n'est que justice faite, dit le poète. Mais la colère du Chérif ne peut être apaisée que par l'exil de son ennemi. Seule une bonne leçon à celui-ci peut régler les différends passés et futurs entre eux. En fait il est complètement indifférent aux richesses d'Ajerrar, maintenant que ce dernier est vaincu après une dure résistance. Le texte parle aussi du désespoir de ce dernier qui s'en prend à ses propres biens avant de  fuir discrètement avec l'aide d'un autre chef de tribu du parti du Chérif.

 

            La morale du poème est annoncée: l'orgueil est la vraie cause de la défaite d'Ajerrar. Il faut donc toujours rester modeste.

 

            Quant aux principales idées de la version A non inclus dans (B), on peut les résumer comme suit. Le poète introduit son texte par des vers passe-partout.[9] On retrouve cette introduction dans d'autres poèmes chantés par Muhmmad U-Jam∫ Ighil, petit-fils de notre auteur. Le texte parle d'abord du fait que Ajerrar ne respecte pas les lieux sacrés et la sainteté de son adversaire avant de mentionner les malheurs frappant ceux qui le soutiennent. Ajerrar a été sauvé grâce à ses amis. Ses battisses n'ont été détruites qu'à l'aide de Dieu et de la sainteté des ancêtres du Chérif.

 

            L'avarice est ensuite condamnée  et le poète annonce la morale du poème : ou bien on est bon par nature et origine généalogique ou bien on est mauvais et avare par naissance. Muhmmad U-Jam∫ Ighil conclut enfin avec les mêmes vers rencontrés dans d'autres textes à lui comme "Lqist n Ugadir"[10].

 

                                                                        *

 

            Quelques remarques s'imposent ici. La version B (Pascon-Benihya), par le fait même qu'elle est plus ancienne que A (Brown), a ceci de plus. Elle met en relief le côté politique et régional du conflit en décrivant le soulèvement de tout le leff Iguzuln contre le leader du leff ennemi. Elle inscrit donc la bataille dans le jeu des leffs qui était encore fortement en vigueur à l'époque de la composition du poème. Par contre la reprise du texte par le petit-fils du poète en 1970 (version A) a complètement passer sous silence cette partie qui a peut être perdu de sa signification pour l' auditoire de Tuzunine lors de l'enregistrement. De même la version (B) rappelle que le Chérif de Tazerwalt est non seulement le maître du Souss qui détient tout le pouvoir, qu'il soit symbolique ou matériel, mais aussi le fait qu'il reste invincible. Bien entendu ceci non plus n'a pas beaucoup d'interêt ni de sens pour l'audience de 1970 pour qui seul le Makhzen est tout-puissant. D'autre part (B) insiste sur la générosité du héros et son indifférence devant les biens de son ennemi. Cette qualité est astucieusement  mise en parallèle avec la folie de ce dernier qui détruit une part de ces même biens pour empêcher le vainqueur d'en profiter. Autre façon de cacher le vrai motif de la guerre.

 

            Par contre, la version A est beaucoup plus moralisante que (B). Elle insiste sur le côté  blasphématoire du chef de la Maison des Ayt Jerrar qui ne respecte ni les  lieux sacrés ni la baraka de son adversaire. Sa défaite n'est par conséquent que le résultat du châtiment divin et de la sainteté sur terre. Même ceux qui lui ont apporté soutien ont été frappés par cette malédiction. Le petit-fils du poète, Muhmmad Ighil, a sans doute touché de son propre pinceau le poème de son grand-père. On y retrouve cette vision pessimiste de la nature humaine qu'on a rencontré déjà dans ses propres textes comme celui sur le tremblement de terre d'Agadir. Après avoir condamné l'avarice, il conclut qu' on est noble et généreux de naissance ou avare de nature. Cette conclusion est a comparée avec celle qu'on rencontre dans les vers additionnels de la version B qui condamne plutôt l'orgueil.

 

 

            L'événement historique est sublimé dans le poème en une épopée héroïque: le Chef de Tazerwalt contre le chef des forces du mal. Sur ce que le poète refuse de dire mot, c'est plutôt le sort de Cheikh Muhammad b. Ali des Ayt Jerrar une fois entre les mains de son ennemi vainqueur. Hummad U-Ali Ighil dit ne rien savoir (A: 102-104; B: 128-130).

 

                        Je sais plus s'il est mort et enterré,

                        Ou s'il est toujours vivant. Moi je n'ai que des paroles.

                        Seul Dieu connait ce qui se passe entre les humains.

 

Mais il est difficile de le croire, d'abord parce qu' il est souvent convoqué à  la cours de Lhusayn U-Hashem pour chanter ses éloges et ensuite parce que des rumeurs sur le sort d'un tel chef doivent circuler dans toute la région. Pascon en a rapporté une version conservée par la tradition locale comme suit: "On raconte que [Muhammad b.] ∫Ali fut enfermé trois ans durant dans la prison d'Iligh. Sa mère intervint auprès du Makhzen à Marrakech qui finit par dépêcher trois cavaliers qui, après dévotions à Sidi Ahmad U Mûsa, se présentèrent, devant le château d'Iligh pour demander, au nom du Sultan, la libération de [Muhammad b.] ∫Ali. La réponse de [Lhusayn U-] Hâchem alimente la naïveté populaire: "Si [Muhammad b.] ∫Ali était encore à la surface de cette terre, j'aurais déféré à l'ordre de Sidna, mais Dieu a voulu qu'il soit sous terre avant votre arrivée!"  Mais tout le monde sait au Tazerwalt que [Muhammad b.] ∫Ali a été tué après la visite des émissaires du Sultan et que les preuves de son décès étaient tenues par Husayn et opposables à d'éventuelles demandes du Makhzen. Mais durant une année, Husayn continua de faire croire à la famille de [Muhammad b.] ∫Ali que celui-ci était toujours vivant et on faisait mine d'accepter des nourritures et des effets qu'elle lui apportait. Commentaire actuel: "il fallait que tous sachent que l'on ne pouvait s'opposer impunément à la Maison d'Illigh."  (Pascon,1984:103). justement tout le monde au Tarzerwalt avait ces informations aujourd'hui, mais Ighil - contemporain de l'événement en plus - prétendait ne rien savoir et pour une bonne raison : il est le poète de Lhusayn U-Hashem, son maître.

 

 

IV. TRADITION ORALE ET HISTOIRE RÉGIONALE

 

 

            La littérature orale comme le poème ici traité est une source précieuse qui complète les documents écrits. A partir de ces derniers, on formule une image, on essaie de reconstruire un événement, une sous-culture ou une culture. Pour nous l'image est plus complète, mieux mise au point, plus intéressante et plus fiable quand on arrive à l'éclairer par des documents de la littérature orale. La tradition poétique orale est une source inestimable quant aux informations,  symboles, et thèmes qu'elle nous fournit. Pour le Sud-Ouest marocain au XIXème siècle, ces sources sont au moins aussi riches que les sources écrites.

 

            On a vu comment Pascon,  sur un événement comme la Mort de Hashem, a réussi à faire parler la tradition orale. Celle-ci est encore très vivante dans la région bien que la tradition écrite d'expression arabe y soit aussi bien ancrée - depuis au moins Waggag et Abdallah b. Yassin. Les visions rapportées par les deux perspéctives se complètent souvent et s'entre-coupent ne serait-ce que parce que les documents écrits ont souvent la tradition orale comme source originale.

 

            La liquidation physique du chef des Ayt Jerrar, Muhammad b. ∫Ali  U-Abderrahman, peut être considérée brièvement comme une revanche complète de la Maison d'Iligh sur les alliés de ses ennemis. Ceux-ci sont principalement  les partisans de Mahmud al-Warrari de Tumanar, père du meurtrier de Hashem, lui même assassiné par Hashem onze années plus tôt. La guerre avec les Ayt Jerrar se situe par conséquent sur cette ligne stratégico-militaire de Lhusayn U-Hashem. Le prétexte ne manquera pas. "Dès sa prise du pouvoir Husayn résolut d'en finir avec les alliés du meurtrier de son père, lequel avait fui, dit-on, au Haouz chez les descendants de Lahsen b. Ahmad U Mûsa. On raconte que Husayn délaissa Iligh trois ans, toujours à cheval, ravivant les énergies. Il fit massacrer en un seul jour soixante gardes noires du cheikh des Oulad Jerrâr dit [Muhammad b.] ∫Ali Jerrâri au lieu dit de Tighnit. Pour gagner sa guerre, [Lhusayn U-] Hâchem acheta les consciences, un à un, les hommes, les familles, les lignages, les tribus, passaient de son côté au point que le cheikh n'eut plus autour de lui qu'une poignée d'hommes. (...) Après accord, Husayn détruisit et brûla la maison d'un certain Brahim d'Agjgal, jusque là ardent défenseur des Oulad Jerrâr, mais en prenant la précaution d'épargner sa famille qui fut conservée secrètement captive à Iligh et déclarée partout décimée. Brahim rejoignit le camp du cheikh dans l'Azaghar et sa rage le fit devenir lieutenant du chef des Oulad Jerrâr. C'est ainsi qu'il s'empara de [Muhammad b.]  ∫Ali Jarrâri vivant, le fit ficeler et amener à Iligh contre la libération de sa famille". (Pascon,1984:103).

 

            Ici Pascon oublie de prévenir le lecteur que cette narration n'est en fait qu'une version parmi bien d'autres concernant la guerre de 1874. Parmi tant d'autres, on a regroupé ici au moins huit. Résumons ces versions orales qui ont fini par passer à l' écrit et dont on trouvera les textes intégraux en annexe.

 

 

Version I. Ajerrar a trahi après avoir donné serment de ne plus se moquer du Chérif qui avait l'habitude de fumé du kif.  Pour isoler son ennemi, ce dernier utilisait le pouvoir d'argent  et réussit à assiéger Talaint et à détruire les biens de son adversaire. Ajerrar qui a fui à Ighbula a été attrapé grâce à la ruse de ses sujets corrompus par le Chérif. Il est ensuite emprisonné à Iligh et sa famille  demandait vainement l'aide au Makhzen pour le sauver.

 

Version II.  La frontière Ighir Melluln est la cause du conflit entre les deux belligérants. Après avoir isolé son ennemi grâce à sa puissance financière, le Chérif se venge de lui pour avoir été trahi.

 

Version III. La cause de la guerre entre les deux hommes est due à l'arrogance et au mépris que Ajerrar affiche pour le Chérif. En effet, celui-là demande à ce dernier d'hypothèquer ses biens pour pouvoir rembourser ses dettes. Le Chérif lui répond d'une façon plus arrogante en lui prouvant qu'il est en fait plus riche que lui (histoire de la poule d'or)

 

Version IV. Ajerrar a rompu l'engagement donné au Chérif qui était de laisser un Juif d'Iligh de rentrer avec sa future femme qui était une Juive de Talaint .

 

Version V. La cause de la guerre était due à l'arrogance de Ajerrar qui ne tient guère compte de la demande du Chérif: rendre le mulet volé par un sujet du chef des Ayt Jerrar. C'est alors que, pour attraper son ennemi, le Chérif fait recours à la ruse: corrompre les gens des Ayt Jerrar.

 

Version VI. Pour isoler son adversaire, le Chérif utilisait le pouvoir de son argent. C'est ainsi que Ajerrar fuit vers Ighbula et Talaint est alors assiégée, sa source détruite. Les champs  du vaincu sont alors occupés et ses biens détruits. Corrompus par le chef d'Iligh, les Jerraris ont fit recours à la ruse pour attraper leur chef . Celui-ci, une fois livré au Chérif, est emprisonné à Iligh.

 

Version VII. Ighir Melluln est la cause du conflit entre les deux chefs politiques. Pour s'emparer de ce point stratégique le Chérif de Tazerwalt n'attendait qu'un moment propice : la guerre entre Ayt Jerrar et Ayt Brayyim. Suite à l'insulte de la part de leur chef dont ont été victime certains villages, ceux-ci laissèrent tomber Ajerrar pour s'allier avec le chef de Tazerwalt. Pour attraper leur chef, les Jerraris, corrompus par le chérif,  ont fit recours à la trahison. Le Chef d'Iligh s'empare alors des biens de son ennemi, maintenant emprisonné et dont la famille, pour le libérer, demandait en vain l'aide au Makhzen.

 

Version VIII.  La cause du conflit reste Ighir Melluln. Trahi à deux reprises par ses sujets, Ajerrar est vaincu puis rendu prisonnier du Chérif. Pour se venger, ce dernier,  fait subir des sévices à son captif - comme il a l'habitude de le faire à ses prisonniers qu'il finit d'enterrer à Iligh même.

 

 

            Que nous disent en gros ces différentes narrations du même événement historique ? D'abord on peut les classer en deux catégories: Les quatre premières (I, III, IV, et V) situent la cause du conflit au niveau éthique: question d'honneur (trahison, arrogance, mépris ...). Les quatre autres (II, VI, VII et VIII) parlent plutôt de la frontière entre les deux pouvoirs - Ighir Melluln étant la clef  d'accès à la plaine de l'Azaghar de Tiznit et à la côte atlantique des Ayt Baamran - comme cause du conflit. Parmi ce second groupe, seul l'historien Ali b. Lhabib cité par Al-Soussi (version VI) est silencieux sur cette cause. Cette deuxième catégorie ne manque pas de parler de l'honneur bien sûr mais la première ( à l'exception de la version II) ne dit mot sur la question du point stratégique préoccupant les deux hommes politiques. Le poème d' Ighil peut donc être classé avec le premier groupe. Le problème de l'honneur  et de vengeance ne cesse de traverser tout son texte (vers A:28; B:105)

 

 

 

                                                *           *           *

 

 

            Dans cette 'vieille' poésie orale, comme on dit, une forme de l'art poétique des troubadours, le jeu combatif est capital: comme les autres poètes, les poètes berbères jouent avec des mots et du langage. Leurs thèmes centraux tournent souvent autour de combats et de héros. Cette poésie exprime aussi des relations sociales qu'elle arbitre. Elle agit comme un véhicule de notions clés de sagesse, de justice et de moralité et même de doctrine qu'elle communique, transmet et consolide. C'est un métier qui accomplit des fonctions sociales et liturgiques: compétition, divertissement et  persuasion rituelle.

 

            Les poètes berbères sont des individus connus pour leur dons de mémoire et leur souplesse linguistique. On a dit qu'il est dangereux de trop parler de soi devant un poète parce que celui-ci risque de se rappeler des propos entendus et de les utiliser plus tard pour blesser ou se moquer de celui qui les a prononcés. La mémoire de ces trouvères (ménestrels) est d'autre part contrôlée et renforcée aussi bien par la structure du poème que par l'interaction avec l'audience durant la performance. Il faut dire que les auditeurs s'accrochent souvent aux mots que, eux aussi, connaissent bien. A l'occasion de l'enregistrement des cinq poèmes à Tuzunine,  ceux qui étaient là protestaient quand Muhmmad U-Jam∫ Ighil  "oublie" - en fait il l'a fait délibérément - une strophe estimée une offense ou trop dangereuse pour être dite devant un étranger (Brown). On attend des poètes une reproduction fidèle et précise des détails de la description et ils sont, pour cela même, admirés et respectés. Le poème d'Agadir (1960) est un bon exemple de ce genre de description détaillée.

 

            D'autre part, cette poésie inclut des éléments mythiques dans la narration (histoire) d'où on peut dégager une cosmologie islamique - une sorte de jeu mutuel entre la volonté divine et les charismes religieux des saints - conçue par ces Berbères marocains longtemps islamisés - disons au moins depuis le temps de Waggag et Abdallah b. Yassin. Dans sa forme et son langage métaphorique, elle donne un compte rendu qui est complémentaire à - plus vrai que - l'événement décrit parce qu'elle contient en même temps des commentaires sur la nature et la destinée humaine. Bref, elle réitère cette vision du monde sur la vie et la mort profondément religieuse, à savoir que personne ne peut échapper à son destin. Telle est la leçon aussi bien du poème sur Agadir composé par petit-fils  que celui du grand-père ici étudié (A: 86-87; B: 116-117)

 

            ›ubÌan llah l∫adim le◊la zund asif

            A tgit a wanna tlkemt a luqt izayd rÌln

 

            Gloire à Dieu tout puissant ! la destruction est comme un oued;

            Tel est celui pour qui sonne l'heure, prêt à s'en aller.

 

 

            En outre, le poète est considéré avoir une perspicacité qui lui permet de pénétrer le comportement des individus et le secret des événements - comme un commentateur astucieux (journaliste). Aussi est-il considéré avoir des dons extraordinaires: capacité d'emmagaziner la connaissance (mémorisation) et inspiration - cette 'folie créatrice' que, selon une des explications, on absorbe en la "buvant' à la tombe d'un saint ou dans une cave sacrée. Comme le Prophète, le poète a cet avantage d'être illettré (A: 5).

 

            ur a◊ gummiµ ur attara◊, lbdi∫ ad salaµ

 

            Je n'écris pas, je ne lis pas, c'est la poésie que je pratique

 

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Partie non publie par l’editeur

 

NOTES SUR LES  DEUX TEXTES

 

 

Le chiffre à droite de certain vers renvoie au numéro du vers dans  l'autre version. La  parenthèse  ajoutée à certains chiffres  signifie qu'il n'y a pas de correspondance complète entre eux.

 

 

 

A  (Brown 1970)

 

19. autre possibilité : Izri nit inig-t, yan i∫≈an irjm-t-in

25. ar-tnt thbun = (ar tnt thdun) ils les donnent comme don, ils les offrent.

26. Adwwar = Adwwar Benfdil: un des villages des Ayt Jerrar.

26. ar  ismkil = du nom imkli, donner à manger:

27. Bufulun = Id Bu-Ifulun est une des tribus des Akhsas dont Madani fait partie.

28. lalan s l∫ar = on dit : ilul s l∫ar, lit. il est né avec l∫ar; il a été humilié à cause de             lui-même.

28. idl = il a été envahi par alliance, soutenu.

30. Id-L∫arba = probablement une autre tribu des Akhsas.

32. asin tiggura = ils déménagent, ils s'exilent.

34. Illa l∫ar bahra lffak = Tout le monde fait recours à ton honneur. On dit aussi ∫la rbbi ad iwrrin imzawgn: De             gràce que les suppliants retournent (satisfaits).

47. Nga-yak-t  µ ufus =  nous les avons laissés entre tes mains.

47 bis. Nasikwn s ufus = nous te considérons comme notre fils.

49-50. ard akk hbun lawmal-nµ = juqu'à ce que soient épuisés nos biens.

52. illa ufrag ngrat-nµ = une frontière, une barrière (afrig ou afrag) existe entre nous.

53. ik°nd = tromper.

57. Ibiss  (ifiss) = il s'est tu.

60. lgawm = lÌrkt, l'armée.

61. lÌaqq rzmn gis isdrman = isdrman (sing. asdrm = aµaras : chemin). Son injustice justifie le fait de          l'attaquer. On dit ausi kulmma µ illa lÌaqq art ilkm ufus : tout tyran finit par être combattu.

63. ann srsn igli yan = les prendre avec soi.

69. ut-att s imi n uburi = frapper avec la crosse du fusil.

70. n◊-as tgit lbabbur = le protéger en tant que quelqu'un de précieux.

83. inaµan = les tués.

94. iπuπd lklb a yadd i tasa-ns = le chien aimerait bien ne pas aboyer.

95. iga ilammn πminin = il n'est pas généreux; il ne vaut rien du tout.

118. lmasalik n ddunit = (lmasayl) les problèmes de la vie.

 

 

 

 

 

 

B  (Pascon-Benihya)

 

 

11. lmrasi = les pays, la capitale

24. s∫an = yiwi : vider de leur contenu

26. kullu b-ttiman = ensemble; leur totalité

29. ur iÌ®i≈ = il est généreux, il ne tient pas compte de ce qu'il dépense

42. Igrawl-d fllas = se joindre à lui pour l'aider

49. lmraÌ = habitation agréable

54. izri-t-id wawal = iffuµ-t-id lµr∂ : abandonné

57- 58. i◊ urta iffuµ lbaru∂ a◊-tnt-id gunna◊ = c'est avant la querelle qu'il faut faire cela; maintenant c'est déjà trop tard. on dit aussi : i◊ urta tnfid ayk ni◊ ara aman.

70. urt-inn akk° hmmi◊ = il ne me considère pas.

76. ann srs igli yan = lui donner des pots de vin pour sauver son âme.

81. iknu-t-id wayya∂  = un autre le soumet

84. Tazzalt = littéralement, cours; ici, fait ce que tu peux.

90. ismrag lmwa∫in = il casse la vaisselle.

94. ann yili ˚ wa††ar = du verbe yu∂r, mouiller

96. wa-ttali hban akk° = tout le reste est perdu, fini.

97. Utn nqab = il est sorti sans être vu comme un voleur.

98. arr≈a≈n jhlnin = les balles de la trahison.

104. alff-ad-n◊ = (? ilf désignant ici Ablaµ ?) ce leff à nous.

120. tma lmqqadir urt ikki, mdin-as = tant qu'on vit on ne sait pas ce qui nous attend.

123. mmu lµrur= ddunit, la vie.

 

 

 

 

 

 

 

                                 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXES

 

 

Annexe 1. Traduction des vers de la version B (mss. Pascon-Benihya) non inclus dans version A (Brown 1970)

 

 

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                                                            I

 

11. Nous avons vu Ajerrar. Il avait alors une belle résidence;

12. Il était le modèle des foyers, un chef audacieux.

13. Le jour où Dieu a voulu le maudire, il attaqua l'enfant du Saint

14. Et installa des bornes sur son chemin.

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17. Une ruche par foyer, des moutons en quantité;

18. A chacun son tour, quiconque refuse est lapidé.

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24. Ils détruisirent des maisons de Laarba qu'ils pillèrent.

25. Les Akhsass se soulevèrent de manière uniforme;

26. Dans leur totalité, Les Ayt Rekha les rejoignirent;

27. Nombreux sont les Ashtouken à cheval qui se soulevèrent.

28. De même que les Ayt Baamran ainsi que tout le Souss.

29. Econome, le Saint ne l'était pas. Par son argent, il réussit à réunir

30. Le riche et le pauvre. Les gens ne convoitent que le réal.

31. Quand il en distribue, personne ne reste pauvre.

32. Quiconque en reçût lui doit l'assistance

33. Ou, du moins, s'empêche ainsi d'assister Ajerrar.

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38. Celui qui t'attaque est un fou, dénué de cervelle

39. Roi, toi seul l'es, ô Shérif !

40. Parce que ton trésor surpasse celui des tribus.

41. Au fils d'Ajerrar, il ne restait plus que Talaint.

42. Tout ce qui était troupe armée lui tomba dessus

43. Et l'attaqua pour se venger du passé.

44. Le traître qui tue sans loi,

45. Son tour arrive nécessairement un jour !

46. Pour payer ses injustices avant de mourir.

47. Pareil à l'orphelin sans père ni mère,

48. Ajerrar est maudit. Il n'a pas de chance, car

49. S'il en avait, il ne serait pas sorti de chez lui

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55. Le Saint lui répondit: "Est-il possible que toi, fils d' illettré

56.  Tu m'attaques, moi ton seigneur et fils de seigneur ?

57. Il n'y aura donc pas de paix entre nous. Avant que la poudre n'ait tonné,

58. Je te prévenais. Maintenant qu' elle a tonné, en vérité, je n'y peux rien.

59. Tu m'as trahi plusieurs fois, je ne l'ai pas fait une seule;

60. Ta juste punition doit être l'exil,

61. Que tous les musulmans soient au courant de ta défaite".

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66. Quand Ajerrar espérait nous acheter, il était tranquille.

67. Si je faisais la paix avec lui sans qu'il se repentit

68. Ou s'exile, demain encore il nous attaquerait

69. Et ferait des erreurs plus graves que celles du passé.

70. Même s'il me propose des quantités d'argent, il ne me considère guère.

 

                                    II

 

71. Ajerrar continuait de se  battre sans relâche

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81. Un roi vaincu l'est toujours par un autre".

82. Le Saint lui répondit: "Charges en six-sept

83. -  O fils de Abderhman ! ton bien m'indiffère  -

84. Et cours, ô petit blond, plus d' histoires entre nous.

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89. Alors Dieu le frappa ainsi que son orgueil. Il s'en alla.

90. Au moment de partir, il s'en prit à la vaisselle

91. Cassa service à thé et porcelaine;

92. Cassa portes et plats en terre.

93. A l'huile d'olive, il rajouta l'huile de cade pour la rendre amère

94. Et mélangea la poudre à l'eau.

95. Ne furent épargner que les salons

96. Et les réserves à orge. Tout le reste est perdu.

97. Puis il creusa une ouverture pour fuir

98. De crainte de recevoir des coups perdus. Devant sa maison,

99. De jeunes guetteurs l'attendirent à l'affût.

100. C'est le fils d'Ablagh qui le précéda jusqu'à la sortie

101. Et qui lui dit: " Nous discuterons chez nous,

102. Je vais voir le Saint pour savoir ce qu'il en pense".

103. Il envoya un message au Saint et lui dit:

104. "Ajerrar s'est-il échappé, notre leff doit-il l'en empêcher ?

105. "Doit-on se battre pour sauver l'honneur ? ou

106. Doit-on les laisser le tuer ? Répondez,

107. Que je tienne compte de votre opinion !"

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                                    III

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118. Même un roi régnant qui a salons et chambres

119. En perles, tant qu'il est encore en vie,

120. Il ne peut éliminer les risques de sa chute.

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Annexe 2. Traduction des vers de la version A (Brown 1970)

            non inclus dans version B (mss. Pascon -Benihya)

 

 

 

 

3. O source qui ne cesse de s'agiter en vagues !

5. Je ne lis pas, je n'écris pas, c'est la poésie que je pratique.

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7. Je déborde de poésies nouvelles, la vieille, je n'en ai pas.

8. Quiconque veut m'entendre, qu'il fasse attention,

9. Qu'il ne parle pas jusqu'à ce que j'expose tout mon récit.

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                                    I

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17. Il contrôlait tous ses greniers. Les gens lui amenaient

18. leurs dîmes et devenaient ainsi ses partisans.

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22. Il se battait dans le sanctuaire et tua le fils du lion. Il ignorait

23. L'existence de la malédiction jusqu'au jour où il a vu ses signes.

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30. Seuls les gens de Id-Laarba était du parti d'Ajerrar

31. Ils se battent jusqu'à ...

32. Ils déménagèrent, emmenant avec eux portes et orge, à cause d'Ajerrar.

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                                    II

 

37. Ajerrar se battait jusqu'à épuisement et demanda justice;

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39. "Si tu as dépensé un quintal, je te dédommage d'autant;

40. Et si c'est dix que tu as perdus, je t'en donne vingt.

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48. Or tu oses m'attaquer; maintenant je veux te

49. Soumettre un an et même vingt quitte à perdre toutes

50. Mes richesses pour te ruiner. Je te le dis,

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57. Ajerrar écoutait tout ce qui lui a été dit.

58. Il recommença alors les hostilités. En vérité, loin était la paix.

59. Il se battait encore une semaine avant de demander justice.

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67. (Un roi vaincu l'est toujours par un autre)"

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70. Ou qu'on l'aide à sortir. Qu'on lui procure où mettre ses affaires,

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77. Perdu sur terre et laissant derrière lui enfants et biens,

78. C'est comme s'il est déjà mort et enterré.

79. Mais si je le tue, c'est un service que je lui rends.

80. Alors qu'il garde ses péchés. De ceux-ci, je n'ai rien à faire."

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82. Il accompagna Ajerrar de peur que les guetteurs l'abattent.

83. Il en tua certains. Ainsi est sauvé Ajerrar .

84. Tout téméraire s'occupe du bien être de sa famille

85. Et la guide dans l'océan pour la faire échapper aux vagues.

 

                                    III

 

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88. Les poutres qui soutiennent les arcades des édifices d'Ajerrar

89. Ont été toutes détruites grâce à Dieu et à l'aide du Saint.

90. C'est Sidi Hmad u-Moussa, le sauveur, et toi mon Dieu

91. Qui protègent leur enfant et découragent

92. Tous ceux  qui osent le combattre.

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94. Le chien voudrait bien devenir gentil; même quand il a l'occasion

95. De faire du bien, il reste avare.

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105. Je termine mes propos en invoquant Dieu. Que Sa miséricorde soit sur nos ancêtres,

106. Qu'elle soit sur Sidi Mohammed et ses compagnons. Que notre Seigneur

107. Nous pardonne nos péchés et qu'il nous sert d'intermédiaire;

108. Le messager de Dieu, notre intercesseur, est notre garant à tous.

109. C'est lui le bon intercesseur, le guide dans toute chose;

110. C'est lui le pont dont se sert tout un chacun.

111. Quiconque ne s'en sert pas est voué aux flammes (de la Géhenne).

112. Que Dieu nous mette en accord avec le Prophète au Pégase

113. Pour faire réussir ma vie d'ici-bas et dans l'au-delà.

114. Si ma vie vienne à terme, que je gagne l'éternité.

115. La vie ici-bas n'est pas éternelle, seul l'au-delà dure;

116. Si elle était éternelle, elle l'aurait été pour les générations passées.

117. Je termine mes propos en invoquant Dieu. Que Sa miséricorde soit sur nos ancêtres,

118. Quant aux problèmes de ce monde, ils ne sont pas encore finis.

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Annexe 3. DIFFÉRENTES NARRATIONS DE L'ÉVÉNEMENT HISTORIQUE

 

 

 

I. Version de Si Muhammed El-Khanboubi (Justinard 1933: 92-3)[11]

 

 

            Vers la fin du régne du Sultan Sidi Mohammed, au temps du Chérif Sidi Lhaoussine ou Hachem, le chef des Oulad Jerrar était le cheikh Mohammed ben Ali. Sa résidence était Talaint (la source), cette admirable source qui a donné son nom au pays, et qui est pour lui une source d'eau, de richesse et de conflits.

 

            L'amitié entre les deux voisins fut troublée, dit-on, pour une raison futile. Le Chérif fumait le kif dans une longue pipette de fer, ornée d'or et d'argent, suivant l'habitude des Arabes de l'Oued Noun. Le Jerrari se moquait de lui , l'appelait: Bou tbagha, l'homme à la pipe.

 

            Un jour , au cours d'une entrevue, le Chérif fit reproche au Jerrari de ces moqueries. Celui-ci s'en excusa. Les deux chefs se jurèrent amitié "par les paumes accolées et les doigts entrelacés".

           

            Mais en rentrant dans son pays, le cheikh Mohammed Jerrari convoqua ses frères et jura que "l'homme à la pipe " ne verrait plus jamais son visage. Le jour même un espion en rendit compte au Chérif qui jura de se venger.

 

            Il donna de grosses sommes d'argent aux gens du lef Ahoggoua (Tiznit Ida ou Ba'qil), pour les détacher du Jerrari. Ceux-ci se joignirent à la harka des Guezoula qui, sous le commandement du Chérif, vint camper aux portes de Talaint. Une partie des Oulad Jerrar, achetés, firent "debiha". Le Cheikh  Mohammed ou Ali s'enfuit avec sa famille et se réfugia à Ighboula, sur les confins des Oulad Jerrar et des Ait Briim.

 

            "Addagh gis touqort", "Laisse-lui la paix chez nous", dirent les gens d'Ighboula au Chérif, qui se contenta de détruire la maison et de manger les biens du Jerrari. Mais sa vengeance n'était pas complète. Car, disait-il, le "Jerrari a arraché les piquets de la foi jurée"_"Issoukf Oujerrar tigousin n l'ahd". Le Chérif paya encore les gens des Oulad Jerrar pour qu'ils décidassent leur ancien cheikh à accepter une entrevue dans laquelle on ferait la paix et après laquelle il rentrerait dans son commandement.

 

            Le cheikh Mohammed vint sans méfiance à Douar Bel Fdil. A peine avait -il dit deux mots que, sur l'ordre du Chérif, on lui arracha sa rezza, on lui en attacha les mains et on le conduisit en prison à Iligh. Il n'en sortit jamais . Les uns disent qu'on l'a muré tout vivant dans un mur de pisé. D'autres, qu'il fut jeté tout vivant dans un silo où on le laissa mourir de faim. Dieu seul sait la vérité. "Cela s'est passé", dit le Chérif Si Mohammed le Khenboubi, de la Zaouia de Timeslit, en 1290 ou 1291, tout au début du régne du Sultan Moulai Lhassen (1875).

 

            Le caïd Brahim Dlimi des Chtouka, qui était le parent et l'allié du Jerrari, vint avec les femmes du cheikh Mohammed à Marrakech pour demander au Sultan appui ou vengeance. Mais le Sultan ne put rien obtenir du Chérif. " Tu es Lhassen, moi je suis Lhaoussine", aurait fièrement répondu le Semlali au Filali.

 

           

II. Version de Moulay Omar de Wijjan (Justinard 1933: 94-6)

 

            Il y a dans l'Ighir Melloulen, sorte d'avant-chaîne au Nord de l'Anti-Atlas, au pied du Djebel Kerkar, une zaouia qu'on appelle la Zaouia de Sougrat.

 

            "Les gens de Sougrat ", dit Moulai Aomar, en ce temps-là, acceptaient tantôt l'influence du Tazeroualt, tantôt celle du Jerrari. Un jour, on complota de faire entrer par trahison les Oulad Jerrar à Sougrat, pendant une fête d'ahouach. Le signal devait être certains vers dits par un chanteur, auxquels autres devaient répondre:

 

                        Bismillah rrahman ad rezmegh ian lbab

                        Ifoulkin adagh ighfer Moulana ddounoub

            "Au nom du Dieu Clément, j'ouvre une belle porte,

            Et que par Dieu nous soient pardonnés nos péchés"

 

 

                        Haianagh oukan nzouarkoun [s] imi lbab

            "Et voici que nous vous précédons à la porte."

 

            Pour se venger de la trahison du Jerrari, le Chérif Sidi Lhaoussine eut recours à l'argent. La cavalerie de Saint-Georges a trouvé toujours dans le Sous un terrain très favorable.

 

                        A Sidi Lhaoussine, gg rrial tamannoun

                        N∂amenk ia isbi∂irn ard serek ourrin.

                        Taghaousa n tmouzount igh tkha≈sa iian

                        Ar it'areg igenzi [ns] ight our i†tif

                        Tenna t†ab'a n tmouzount nekki ka iouin

                        LÌajaj dar Nnebi isaÌa iagh lkheir

                        Tmezzi tmouzount lfi'al tiouit,

                        Trzemt lkiber gh istis n timgharin.

                        Ghalegh, a laman is tgit argaz nsdou-serik

                        Zighd a inghan a laman irgazn d kiin

 

            "Mets les douros près de toi, Sidi Lhaoussine,

            Et même un boiteux viendra, je te garantis.

            A cause des mouzounas il a la sueur au front,

            Celui qui en a besoin et qui n'en a pas.

            Le coin de la mouzouna dit qu'il a le bonheur en partage

            Et que c'est lui qui conduit au Prophète en pèlerinage

            O petite mouzouna, grande est ton action,

            Toi qui arraches l'orgueil aux filles des femmes.

            Je te prenais pour un homme et je m'appuyais sur toi

            Aman, mais en vérité toi tu fais périr les hommes."

 

            Moulai Aomar dit que lorsque le Jerrari était prisonnier au Tazeroualt, le Chérif le faisait venir parfois pour entendre des chants dans lesquels on faisait allusion à la trahison.

 

                        Rak nsqsa ba'da gh lmselt n ia ouaoual

                        Manik aiga lqelb is nit rouan laiam ?

                        Man lkhber tsiggilt aten taouit ?

                        Inid lkhber n tiddoukla laman immout

 

 

            "Si je pouvais t'interroger sur un sujet

            Le coeur comment va-t-il? Et si la vie est belle?

            Quelle nouvelle cherches-tu pour l'emporter?

            Or, s'il s'agit de l'amitié, l'aman est mort."

 

            "Sma' a lkafr b-llah." Entends-tu, infidèle à Dieu? disait alors Sidi Lhaoussine en se tournant vers son prisonnier.

 

                        A laman ioumzt lbadel, ighers as, imout

                        Ma das ioumz idammen? Ait ouar lqoul.

                        Lqoul, a ben adem, ka gioun oukan our illin.

 

            "L'injustice a pris l'aman, l'a égorgé, il est mort.

            Qui lui a tenu la gorge(afin d'arrêter le sang?), les gens sans paroles.

            La parole, o fils d'Adam; ce que tu n'as pas."

 

            ... "Au début, Sidi Lhaoussine me disait de chanter des à-propos en présence du Jerrari. Puis, comme on venait de partout intercéder auprès du Chérif en faveur de son prisonnier, on ne le fit plus sortir. Le jour, il entendait les chansons des repas. La nuit, une musique de nègres l'empêchait de dormir.

 

            "On ne sait pas ce qu'il est devenu... "

 

 

III. Autre version (?) (Justinard 1933: 97-8) ]

 

 

            Mais voilà un récit qui date d'hier et qui évoque les "trésors du Tazeroualt" en même temps que la rivalité entre Tazeroualt et Oulad Jerrar.

            "A Iligh dit la légende, il y a, cachés sous la terre, les trésors des anciens rois. Mais le dernier chérif, Sidi Mohamed ou Lhaoussine en a égaré le compte. On croyait qu'il était pauvre. Il mettait des biens en "rhen". Un jour, il acheta au Jerrari, cent charges d'orge avec un certain délai de paiement (s tajil).  Au jour de l'échéance, il n'avait pas d'argent. Le Jerrari lui fit dire:

            "Rhenii kra ntaghoult gh Ighboula" : "Vends-moi" à réméré "quelques terrains d'Ighboula". Le chérif possédait des biens à Ighboula, au pays Oulad Jerrar.

            "Toi qui veux que j'hypothèque mes champs, tu as du mépris pour moi."

            "Je vais te montrer, si tu ne les connais pas, les bornes qu'il y a entre toi et moi", dit-il au Jerrari. Il lui envoya une poule d'or, avec ses petits, quatorze poussins, tout en or, en lui disant: "Prends là-dessus ce que je te dois. Et le reste, renvoie-le moi, si tu en es capable. Si tu ne peux pas, cherche plus grand seigneur que toi."

 

            On dit que le Jerrari renvoya la poule au chérif, accompagnée d'une hédia.

            Qu'est devenue la poule aux  poussins d'or ?

            Il y a une chose qui donne de la vraisemblance à cette histoire. On lit ce qui suit dans Chénier, livre 3, p. 248:

            "Le corps des Juifs, qui étoit alors dix fois aussi nombreux qu'il est aujourd'hui, payoit pour toute redevance, une poule et douze poussins d'or, artistement travaillés à lames à jour, et l'intérieur en mastic de couleur; c'étoit moins une imposition onéreuse, qu'un hommage que les Juifs devoient à ce Souverain."

 

            On peut expliquer par ce passage de Chénier la présence de la poule d'or chez le Chérif de Tazeroualt. Ce bijou pourrait avoir été donné par les Juifs de la région au chérif ou à un de ses ancêtres aux temps où ils se nommaient rois de Tazeroualt.

 

           

 

IV. Version de Sidi Ali de Tazerwalt (Justinard 1938 : 41-2)

 

 

            Après lui prit le pouvoir son fils Moulai Ali Ben Hachem. Il gouverna énergiquement jusqu' à sa mort, en 1258 (1842) dans une guerre entre nous et les Oulad Jerrar, à Ighir Melloulen, d'une balle perdue.

            Après lui prit le pouvoir son frère le célèbre, le Beau, celui qui a laissé de grandes traces et une haute vénération.

            Notre ancêtre Abou Ali Moulai Lhaoussine Ou Hachem. Il renouvela le pouvoir et commanda dans tout le pays du Sous. Il fut en guerre contre les chefs du Sous, comme nous allons le dire, s'il plaît à Dieu, comme nous l'avons appris de gens de foi des habitants d'Iligh, sur les causes de la guerre entre lui et le Cheikh Mohammed Jerrari, jusqu'à ce qu'il arrivat ce qui lui arriva.

            C'est ainsi que je l'ai transcrit, de la langue de gens renseignés, parmi nos frères, les gens d'Iligh.

            Le conteur dit: " la cause en est que notre grand ancêtre Moulai Lhaoussine avait fait alliance et échangé des serments avec "ce Mohammed Jerrari". Or, la trahison, vint de celui-ci ainsi qu'en ont témoigné des adouls pris parmi ses frères, dans un acte que je vous enverrai, s'il plaît à Dieu... Le conteur dit: " Un juif du mellah d'Illigh alla à Talaint des Oulad Jerrar, demandant (en mariage) une Juive chez certains Juifs de Talaint. Notre ancêtre Sidi Lhaoussine lui avait imposé pour condition que, s'il épousait cette juive, il l'amènerait au mellah d'Iligh d'accord avec le chef de Talaint, le susdit cheikh Mohammed.

            Quand fut terminée l'affaire du Juif à Talaint, l'engagement fut rompu et la trahison connue, et que c'était d'accord avec le chef du pays, le cheikh Mohammed qui avait trahi le serment, selon son habitude ..."

 

           

 

V. Autre version de Sidi Ali de Tazeroualt (Justinard 1936:  42-3)

 

            Selon un autre conteur, la cause de guerre et de la haine est qu'un mulet avait été volé au moussem de Sidi Ahmed Ou Moussa. Mon grand père le fit rechercher activement jusqu'à ce qu'il fut prouvé qu'il était entre les mains de certains Ahl Idegh des Oulad Jerrar. Mon grand père écrivit à ce cheikh Mohammed Jerrari, pour le faire rendre, même à son poids d'or. Or, le Jerrari alla avec ce mulet au marché et ne tint pas compte de sa parole. Cela enflamma le coeur de mon grand père. Et la puissance est à Dieu. " Et si Dieu veut le malheur de quelqu'un, nul ne l'en détourne et qui cache un secret dans son coeur, Dieu l'en revêt." La guerre commença entre mon grand père et le dit Mohammed. D'abord, dans l'Ighir Melloulen. Puis à Adouar, un village des Oulad Jerrar. Mon grand père l'y assiégea et en arriva à détruire sa maison, et il fut vaincu. Il s'en alla avec les siens à Ighboula, où il resta quelques temps, puis de là à l'Aouina des Ida Ou Blal. Mon grand père s'ingénia pour le prendre suivant la coutume des rois. Il lui envoya son esclave, le secrétaire, le caïd Salah Ben Faraji. Celui-ci travailla près de lui le travail d'un homme, lui inspira confiance jusqu'à ce que le moment fut venu de le prendre par ruse, par l'intermédiaire d'un homme de ses frères, par l'intérêt. Ils vinrent avec lui, de nuit, jusqu'à la résidence de Monseigneur mon grand père, à Adouar. Il sauta sur lui, comme saute le Lion chasseur. Il le prit, sans rémission, le mit dans les fers, en prison" pour qu'il goûte sa calamité. " La grande calamité n'atteint que ceux qui sont ses auteurs."

 

            "Des criminels sera effacée la trace."

 

 

 

VI. [Version de l'historien Ali b. Lahbib (Al-Soussi 1963 :150-1)]

 

            le leff de Hashem était composé de Iguzuln, Ida Weltit, Irsmukn, Imazighn d'Azaghar, en plus de Ifran, Imjjat, Takna, Izwafidn, Ayt Lahsen, etc.  Le Chérif  utilisa de l'argent pour gagner une partie des Ayt Jerrar alors que le reste des Jerraris se joignait à lui par peur ou de plein gré. Il assiégea alors Ajerrar au seul village qui lui restait, la  Kasba de Talaint. Certains Jerraris étaient ensuite aller voir ce dernier pour lui faire savoir que le Chérif a juré de le déloger de Talaint et que s'il se décide à quitter, il lui promet de le laisser y retourner sain et sauf. Muhammad b. Ali Ajerrar sortit alors avec sa famille et ses amis pour s'installer à Ighboula. Le Chérif entra enfin à la Kasba de Talaint, détruisit les bâtisses d'Ajerrar ainsi que la bouche de la source d'eau et occupa certains  villages  de la plaine d'Azaghar avec leurs champs. Après beaucoup de tractations entre eux, et grâce aux intermédiaires, le Chérif réussit à attraper son adversaire pour l'emmener à Iligh où il mourrut.

 

 

 VII. [ Version de certains Jerraris (Al-Soussi 1963 : 151-2) ]

 

            Les deux [Lhoussayn U-Hashem et Ajerrar] se battaient au sujet de Ighir Mellouln. Malgré que Lhoussayn le gagna, Mohammed b. Ali b. Burhim tenait toujours Ighir Mellouln. Le Chérif n'attendait plus qu'une occasion favorable pour le combattre.

 

            En 1291 [/1874] une guerre éclata entre las Ayt Jerrar et les Ayt Brayyim. Ajerrar demanda aux gens de Rggada de lui amener la dîme à Talaint. Les Jerraris de Rggada s'en excusaient par manque d'hommes à cause de la guerre contre leur voisins les Ayt Brayyim. Il leur demanda alors de charger leurs femmes de le faire. Ainsi se sentaient-ils insultés par cette proposition qui a touché leur honneur [la femme]. Les Jerraris s'en allèrent sacrifier devant la maison du cheikh du village Lubbayr (petit puits) lui demandant le lar. Ce dernier exigea d'abord qu'ils fassent de même pour le cheikh du village Idgh. Ainsi les gens de Rggada, de Lubbayr et ceux d'Idgh s'étaient mis d'accord pour blâmer Ajerrar pour ce qu'il a fait subir aux gens des Rggada. Il se calma alors malgré lui.

 

            Après la fin des hostilités avec les Ayt Brayyim, Rays Mohammed b. Ali b. Burhim voulait se venger des gens de Rggada, de Lubbayr et d'Idgh. Pour cela, il avait fait recours à ses beaux-frères, les Dlimi des Achtoukn, aux gens de Tiznit et à ceux de La∫wayna.

           

            C'était l'occasion attendue par le Chérif de Tazerwalt qui s'installa avec ses troupes au village Adouar Benfdil sans consulter personne. Pendant que Ajerrar combattait sévèrement les Rggada, ces derniers pensaient alors se faire aider par le Chérif à condition qu'il ne les fait pas payer les dépenses engagées contre leur adversaire commun. Une délégation auprès du Chérif exigea de celui-ci un contrat par écrit où il signalerait que les dommages seraient perçus uniquement sur les biens de Ajerrar une fois vaincu.

 

            Le Chérif attaqua alors Talaint et après de sévères combats les gens de Ajerrar laissèrent tomber leur chef. On proposa alors au Rays Mohammed b. Ali b. Burhim de s'en aller à La∫wayna dont les gens lui prêtaient main forte et de là à Ighboula. Une fois parti, sa maison fut détruite. Les gens d'Ayt Jerrar qui le combattaient avec le Chérif ne voulaient plus de lui à Talaint. Avec le Chérif ils complotaient pour le saisir personnellement et une délégation de Jerraris s'en chargeait. Une fois entre les main du Chérif, ce dernier s'empara aussi bien de lui que des membres de la délégation. Ajerrar périt à Illigh et les autres Jerraris ont réussi, grâce à des intermédiaires, à échapper à la mort.

 

            la mère d'Ajerrar demandait en vain lar aux gens du Makhzen. Quant aux biens d'Ajerrar, ils servaient à rembourser le Chérif comme prévu par le contrat.

 

           

 

VIII. [ Autre version (?) (Soussi 1966: 258) ]

 

            La cause de la guerre de 1291 [/1874]  entre Lhusayn U-Hashem et Muhammad Jerrari en est Ighir Mellouln. Vaincu par  Lhusayn à cause de la trahison  des Jerraris, Jerrari s'en fuit de Talaint vers La∫wayna. Les Jerraris l'ont fait alors revenir dans le but déclaré de le réconcilier avec Lhusayn. Ainsi il a été attrapé par les esclaves de ce dernier. Quand le Jerrari lui demanda d'être libéré pour faire sa prière du soir, Lhusayn lui rétorqua:  "Comment veux-tu que je te laisse prier alors que depuis que tu gouvernes sur les Jerraris jamais mon coeur était présent pendant mes prières". On le mit sur un mulet et les esclaves du Lhusayn le conduisirent à Iligh. Depuis ce jour, on n'a plus de ses nouvelles.

 

            A l'intérieur de la demeure de Lhusayn existe un cimetière où sont enterrés beaucoup de gens qui ont subi le même sort.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Descendants de Burhim (Maison des Ayt Jerrar)

 

 

 

 

 

 

                                                                       Burhim

                                                       ( diminutif de Aberrahmane)

                                                                        -

                                                                        -

                                                                        -

                                                                        -

                                                               1. Ali (Rays)  

                                                      (assassiné 1275/1858)

                                                                        -

                                                                        -

                                                                        -

                                                                        -

            3. M'hammad (Qayd) ------------------ 2. Muhammad (Rays) ---------------- Abderrahmane

            (mort 1310 /1892)                      (assassiné à Iligh - 1875 ?)

            -                                                           -

            -                                                           -

            -                                                           -

            -                                                           -

            -     Said ----------- Ahmad -----------------  4. Adessalam (Qayd) ----- al-Bashir ----- Dahmane ----- Ali

            -           (assassiné en 1331 /1913)       -                                                      (tué par Ayyad)

            -                                                           -

            -                                                           -

            -                                                           -

            -                                               Muhammad (Adjoint de Ayyad)

            -                                               (assassiné 1341 /1922)

            -

            -

            -

     5. Ayyad (Qayd) ---------- Thami ---------- Brahim ---------- Lhusayn ---------- Ali

ex-adjoint de Abdessalam

(mort 1361 /1941)

            -

            -

            -

            -

6. Abdallah (Qayd) ---------- Cheikh Mukhtar ----------- Ali ----------------Ahmad ---------------- Mad-Abderrahmane

(ex-adjoint de Ayyad)    (né 1926)                 (né 1924)                   (né 1916)                            (né 1915) 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mhamed (3) est désigné comme caid par Hassan I. Abdessalam (4) a visité Hassan I à Marrakech. Ali, frère de Abdessalam (4), s'est marié avec la mère de Ayyad après la mort du père de Ayyad. Quand ce dernier lui avait demandé de divorcer sa mère et que Ali a refusé, il lui envoya un de ses esclaves qui l'assassina.

 

 

 

 

 

Descendants de Sidi Hmad U-Musa (Maison d'Illigh)

                                                           

 

 

                                                Sidi Hmad U-Musa

                                                            -                      

                                                            -                      

Lahsen  ---------- Ali ---------------------------- 1. Mhammad ------------------------ Abd al-Baqi -------- Abd-Allah

                        -                                   -                                                                                                           -                                   -

                        -                                   2. Mhammad                

                        -                                   -                                                                                                           -                                   -                                  

                        -                                   3. Ali                                                                

                        -                                   -                                                                      

                        -                                   -                                                                      

                        -                                   4. Muhammad                                                  

                        -                                   -                                                                      

                        -                                   -                                                                      

                        Ahmad                          5. Hmad                                                                       

                        -                                   -                                                                      

                        -                                   -                                                                      

                        Mhammad                     6. Yahya                                                                      

                        -                                   -                                                                      

                        -                                   -                                                                      

                        Muhammad                   7. Ali                                                                

                        -                                   -                                                                      

                        -                                   -                                                                      

            Mahmud al-Warrari                      8. Hashem (tué  en 1825                                                

          (tué en 1814 par Hashem)             -     par Hmad Tagarazti)                                                                                    -                                   -                                                                      

                        -                                   -                                                                      

                        -                                   -                                                                      

            Hmad Tagarazti                         -                                                          

                                                              9. Ali ---------------10. Husayn (1224-1303 / 1810-1886)                                                 (mort 1258 / 1842       -                                              

                                                dans une bataille           -                                               

                                                contre les Ayt Jerrar)     -                                               

                                                               -                    -                                              

                                                               -                    -

                                                               -                    -

                        Uthman ------------ Muhammad                   11. Muhammad (m. 1327 / 1909)        

                        -                                                           -

                        -                                                           -

                        -                                                           -                                  

                        Ali (m. 1349 / 1931)                12.  Ali ( 1352 / 1934) ----- Ahmad (m. 1335 / 1917)

                                                                                    -

                                                                                    -

                                                                                    -

                                                                                           Lhusayn (son adjoint)

 

 

 

           

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

 

 

Brown (1973) : Kenneth Brown, "Violence and Justice in the Sus: a nineteenth century             Berber (Tashelhit) poem" in Proceedings of the First Congress on                                 Mediterranean Studies of Arabo-Berber Influence, Alger, S.N.E. D.,                                     1973: 341-357.

 

Brown - Lakhsassi (1987) :  Kenneth Brown et Abderrahmane Lakhsassi "La Destrution                      est comme un Oued" in Littérature Orale Arabo-Berbère 18 (1987), p.                                     43-63.

 

Galand-Pernet (1972) : Paulette Galand-Pernet, Recueil de Poèmes Chleuh,                                             Kliencksiek, 1972.

Galand-Pernet (1986) : Paulette Galand-Pernet, "Les prolgues 'agrestes' des                                          poèmes berbères: Un phénomène méditerranéen ?" in

                        Gli Interscambi Culturali e Socio-Economici fra l'Africa                                                            Settentrionale e l'Europa Mediderranea (Atti del Congresso                                      Internazionale di Amalfi, 5-8 dicembre 1983), Napoli 1986,                                                 pp. 355-367.

Galand-Pernet (1987) : Paulette Galand-Pernet, "Littérature orale et représentation du                 texte: Les poèmes berbères traditionnels" in Le texte et ses                                               représentations, (Etudes de littérature anciennes, III), Presses de l'Ecole                        Normale Supérieure Paris, 1987, pp. 107-118.

 

Justinard (1925) : Lieutenant-Colonel Justinard, "Notes sur l'histoire du Sous au XIXè             siècle" in Hespéris, V, 1925: 265-76.

Justinard (1926) : Lieutenant-Colonel Justinard, "Notes sur l'histoire du Sous au XIXè             siècle" in Hespéris, VI, 1926: 351-64.

Justinard (1933) : Lieutenant-Colonel Justinard, "Notes sur l'histoire du Sous au XVIè             siècle: Sidi Ahmed ou Moussa", Archives Marocaines, XXIX, 1933: 92-                              99.

Justinard (1938) : Lieutenant-Colonel Justinard, Un petit royaume berbère: le                                                 Tazeroualt, Paris, G.-P. Maisonneuve, 1938: 36-43.

 

 

Pascon (1984) : Paul Pascon, "Le meurtre de Hashem, chef de la Maison d'Iligh", in

                        La maison d'Iligh et l'histoire sociale du Tazerwalt, Rabat, SMER,1984:                         91-111.

 

Soussi (1963) : Mukhtar Soussi, Al-Maasul, XIX, Casablanca, Imprimerie Al-najah,                                     1963:150-153.

Soussi (1966) : Mukhtar Soussi, Iligh qadiman wa hadithan, Rabat, Imprimerie                             Royale,1966: 258-60.

 

 

 

Version (C)

 

 

 

Ajrrar d Utzerlwalt illiµ mmaµn

 

 

1. Bismi llah a tisura tumlin ganin

2. Lfal s irπm yan lbab, i◊ ran ad sawln

3. Zayd a immi-nu, ◊ iwaliwn; ara z∫m nit

4. Ini ≈≈aÌt ! imma tikrkas, l∫yub ad gant

5. Yan iskrkisn zun ukrn: lÌÒmt a ig lÌal

6. A Bni-∫Qqub, a walli s a tbrraz◊ awal

7. Innas ka ri◊ a ggis bdu◊, aws-i gisn a ÒÒi◊

8. Rar srs awal, a imi-nu: ngi zund asif

9. A Lbari t∫ala, njja-yan◊ ◊ lkibr, ar i◊wl

10. Kra ◊ illa, labudd att i◊lu, ard irÌl !

11. Is nπra Ajrrar, ilalli ◊-lmrasi ∫dlnin

12. Ig l◊yar n takatin; ig amµar, iz∫m nit

13. Illi◊ ra-tn yut rbbi, yak°i ◊ warraw n Ugrram

14. Gind iwwutta µinna µ akk° ittmussu Ugrram

15. Is nπra Ajrrar, ar iqq°ay l∫Òur, iµd ukan

16. IbrrÌ i uqbil-ns, ar iqq°ay gigan d lmal:

17. Ag°lif i takat, d izammarn ujadn ukan,

18. Tadsa nit innibt yan i∫≈an irjm-tin

19. Sidi LÌus u-HaÒm, yusi-d ti◊zanin d lmal,

20. At-tn thyyan; immaµ ad i◊lu a∫daw-ns

21. Isrs ◊ U∂wwar, ar ismkil ma yyids illan

22. A◊≈a≈i kullu jami∫a-nsn as-asd nkrn

23. Tiwi-nn yat tsga yat . U-Bufulan, ibidd wawal-ns

24. I≈la ◊-L∫arba tigwmma, s∫an, urd imik

25. A La◊≈a≈, imun kullu wawal-nsn, illi◊-d nkrn

26. Ar◊a, kullu b-ttimam-nsn, as-asd nkrn

27. AÒtukn, kullu gigan asd nkrn d-uyyis

28. Ula Aba∫mran, ula kullu madd igli Sus

 

                                                II

 

29. Ur iÌri≈ Ugrram lmal-nsn as asd imun

30. Umµar ula lmskin, rryal ad ran imuslmn

31. I◊ atn akkan ukan, ur gis i∫dm yan !

32. Yan mit fkan, iqqand ad-asd n∫rn

33. Nµt-inn irur, a ur yasi nn∫rt n Ujrrar

34. Yus n Sidi HaÒm, hatinn rbbi ad fllak

35. Igan tilila, d ljdd-nk in∫r bahhra fllak

36. Ur a◊-k-inn ttajjan i tassast iÌa∂r ukan

37. Izm i wayyad ! a rbbi gan l∫wan i Ugrram

38. Yan gi-k ittakwin, is ig am≈ud, ijla-yas l∫aql

39. Agllid, ur-tn igi, a ÒÒrif, ibla kiyyi !

40. AÒkun, lmal-nk, is akk° iÌgr tiqqbilin.

 

                                                III

 

41. Tal∫int ka-nn iµaman i yus Ujrrar.

42. Kulmma-yas igan ljiÒ, igrawl-d fllas,

43. Ar-t-inn ikkat, aggis i◊lf tilli zrinin.

44. Yan igan amµar, ar nqqan mddn bla ÒÒr∫

45. Iqqnd, a tawala i i◊f-ns, atn tlkm, ◊d- ntan

46. Ar-tnt ifrra, ur-ta yakk° yuki d wakal.

47. Zund igigil, i◊ as immut babas d immas,

48. Gin waÒÒ, imma as∫di, ur-t igi Ujrrar !

49. Mta iga as∫di, iµ°i nit lmraÌ-ad ◊ iffaµ.

 

                                                IV

 

50. I≈rf s Ugrram, inna-yas:" La∫fu ◊ ngrat-n◊

51. LÌurma n rbbi d ljdd-nk, a ÒÒrif, lhna ◊ ngrat-n◊ !

52. A ur ng amrÌul, ad ukan µ°i◊ aqbil-n◊ !

53. Ta∂sa n imuslmn, wannatt igan, hatinn !

54. Mqqar nit iga ◊ igldan izri-t-id wawal.

 

                                                V

 

55. I≈rf srs Ugrram, inna yas: MuÌal, dak yaru u∫ami

56. A Yajrrar, ng sidi-k ben sidi-k, ar gigi tak°i-t

57. IÌrm lhna ◊ ngrat-n◊, i◊ ur-ta iffuµ lbaru∂

58. A◊-tnt-id gunna◊; illi◊ yad iffuµ, a isÌan, ur sul at-dawa◊.

59. Mrawt a◊-yyi tµ°drt, ur jjun-k nµ°dr yat !

60. Lin≈af-nk ukan att igan, d a ggis trÌlt !

61. Ad kullu sm∫an imuslmn i tirπi-nnun.

62. Imma lmal ur a is ikkund urgaz, abla lÌÒum

63. N◊ yan inufln. Imma ki◊-dd nkkin hatinn

64. Ayda-nu yuti kullu la≈l akk° n Ujrrar

65. Ula krat iwalan, ula ma igan aqbil-ns.

 

66. Illi◊ ∂m∫an, ad-a◊ kfin rryal ad hnnan !

67. I◊-nn skr◊ lhna d Ujrrar, ur yiwi nndumat,

68. Ula iga amrÌul, azkka da◊ yak°i-d flla◊.

69. Ar iskar lfa∂ayÌ yugrn tilli zrinin.

70. Mqqar nit fkan lmiyyat, urt-inn akk° hmmi◊

 

                                                VI

 

71. Izayd Ujrrar immiµ, urta gis hnnin

72. I∂m∫a imil, ad rπin lgum lli-d fllas imun

73. A isÌan, lÌaqq: rπm gis isdrman,

74. Lli◊ sul iggummi matt-inn ittµitn, abla rriÌ.

 

                                                VII

 

75. I≈rf s Ugrram inna yas: "is ri◊ ad ∫mmer◊

76. Yan ttam isrdan; imik, ann srs igli yan

77. Illi◊ rad lÌr◊, lmunt-inu a yids nmun.

78. ∆if-Llah a Yagurram, a ur nddu bla yat.

79. Imma rrÌil, ssn◊ is rÌl◊. Ur dari bla kiy

80. A waÌd , a rbbi ! wa-ttali hatinn ar a◊-d ikkat

81. I◊ ittuµlab ugllid, iknu-t-id wayya∂."

 

                                                VIII

 

82. I≈rf srs Ugrram, inna-yas:"∫mmr sba†aÒ

83. A iwis n ∫BdrÌman: lmal-nk ur a◊ hmmin

84. Tazzlt, a yaÒgri, iÒbukn n grat-n◊.

85. Nkki a iµ°in azaµar, nµ°i tiqbilin, hatinn

86. Nga yak-tn ◊ ufus: l◊ir-n◊ ur gigun biyyin

87. A yus n ∫BdrÌman ! nkki nidk ur a◊d iqqan

88. Ad sul nmun: hann illa lfrag ◊ ngrat-n◊

89. Yut-tn ukan rbbi d lkibr-ns, izayd rÌln.

 

                                                IX

 

90. Illi◊ ra iffaµ ukan ar ismarag lmwa∫in

91. Irπ ibÒkan n watay, irπ lbdi∫-ns

92. Irπ kullu tiggura, irπ tizlafin;

93. Zzit, iga-yas lk∂®an, at-tÌrra ◊d nttat;

94. Lbaru∂, iga-yas aman, ann yili µ wa††ar.

95. Ur sul-nn ukan ifil, abla tiddwayriyyin,

96. N◊ tisrfin n †mπin; wa-ttali, habban akk°

97. Utn nqqab, ukan izayd, ilwr.

98. Imma imi n tgmmi, ik≈ad arr≈a≈n jhlnin.

99. Llan gis i∫yyaln, llan gis iÒbura; mdin-as.

100. Yus n Ublaµ ad asd izwarn, illiµ-d iffaµ

101. Yus n Ubla˚ inna-yas: "amÒiwir dar-n◊ !

102. Ad πr◊ Agurram, a nissan mad-a◊-d nnan

103. I≈rf s U∂wwar, inna yasn gis Ugrram;

104. Izd iµ iffuµ Ujrrar, itt∫ar∂-asd ilff-ad-n◊

105. Izd a nkkat a nmmaµ: ard njnjm l∫ar;

106. Izd att najj att nµin ? Aywa wajbat-a◊ !

107. Ma igan lµr∂-nk, a fllas nawi, µd nkkin ?"

108. Iwajb-as Ugrram, inna yas: "Yan as-d ukan

109. I∫r∂n, ut-at s imi n uburi !

110. I◊ ismun rrti∫-ns ukan, ∫lm-a◊ ann nkr◊

111. Nfk iglzam i lbruj, ard ibrrd ul-n◊

112. A nµzu ◊ ∂∂alm gigan ayd ikka ihul-a◊

113. Imma lmut, fki◊-as laman n rbbi, d∫i◊-as

114. Ur-t nqqa◊, ula inµa-t urgaz, abla µa≈≈

115. Nnat inµa rbbi lli gisn igan layyam d rruÌ

116. ›ubÌan llah l∫a∂im ! l◊la zund asif

117. A iga wanna tlkemt a luqt izayd rÌln

118. Mqqar-d agllid, i◊ n≈rn, ibnu tiddwayrin,

119. Ibnu kullu tim≈riyyin ◊ ljuhr i◊ ur immut

120. Hann tma lmqqdir urt ikki, mdin-as.

121. Iπuπd ulili ad arun lÌlu, a ig imim !

122. Iπuπd Ujrrar add iffuµ, ar gim ittbrram,

123. A mmu lµrur ! Lkibr-ns att akk° isdullan

 

                                                XII

 

124. Sidi Îmad U-Musa, lli◊ ggulln, ad-asd iµ°in

125. Afus, yawi-t-inn, iÒkÒm-t i tillas d lµuf

126. Iµ°i-tn Ugrram igas izikr, mkad n ufunas

127. Igi-t ◊ lÌbs. Hatinn ddnub-ns ayad s ikrf.

 

128. Ur sul nssin is immut, is yuki d wakal

129. Ula ≈≈Ìi◊ is isul. Nkki ur dari bla awal,

130. AÒku rbbi ka issfawn bnadm d wayya∂.

 

131. ›amÌ i nna∂im a mulana, i◊ izuyd awal

132. Ula i◊ nkrz akal, ur igin winnu, bla ÒÒr∫.

-----------------

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Version transcrite par V. Monteil en 1945

 

 

 

Arlette Roth

31, rue Bièvre

Paris 75005

tél.        43 26 75 78 (m)

            46 33 04 71 (B)                                     

 

                                                POÉSIE, HISTOIRE ET SOCIÉTÉ

                                    Une guerre tribale dans le Souss au XIXè siècle

 

 

 

 

 

I. Présentation du conflit

 

 

            A. Contenu commun aux deux versions (A) et (B).

 

            B. Historique de la question

 

 

II. Poèmes et traduction

 

            A. Texte et traduction de la version A (Brown 1970)

 

                        1. Texte de la version A

                        2. Traduction de la version A

 

            B. Texte et traduction de la version B (mss. Pascon-Benihya)

           

                        1. Texte de la version B

                        2. Traduction de la version B

 

 

III. Remarques et commentaires sur les deux versions

 

 

IV. Tradition orale et histoire régionale

 

 

 

 

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Notes sur les deux textes

                       

ANNEXES

 

1. Traduction des vers de la version B non inclus dans A

2. Traduction des vers de la version A non inclus dans B

3. Différentes narrations de l'événement historique

4. Descendants de Sidi Hmad U-Musa (Maison d'Iligh)

5. Descendants de Burhim (Maison des Ayt Jerrar)

6. Bibliographie  

 

 

Ceci a malheureusement des conséquences encore plus grave. On voit comment des chercheurs comme P. Pascon, entouré de berbèrophones sur le terrain n'échappent pas à celà. Les passages cités on relève plein d'erreurs en ce qui concerne les termes berbères (n' Qorn  pour mqqurn (grand), al-Muggar (al qui est partie du terme est pris comme article défini de l'arabe) pour almoggar, irhil pour ighir (Epaule). Encore plus scandaleux est ce qui se passe dans le domaine géographique. Nous lisons sur une des cartes régionales du Maroc au 1:50 000 (Direction de la conservation et des Travaux Topographiques - Rabat 1977 et Institut Géographique National - Paris 1977), nous lisons (Feuille NH - 29 - XVI - 4d) "Talat -N-Ya∫qub" et en arabe "Thulâthâ' N Ya∫qqub" qui veut dire en arabe le mardi (jour du marché hebdomadaire ?) de Ya∫cob. Pourtant depuis 1942 E. Laoust a publié Contribution a une étude de la toponymie du Haut-Atlas, (Arar N Deren d'après les cartes de Jean Dresch), Paris, P. Geuthner 1942. Voir "talat" p. 55.

 



* Les auteurs remércient le Britih Council de Rabat de leur avoir permis de se rencontrer autour des poèmes d' Ighil en Juillet-Août 1988 . Cet article est le premier produit de ce travail commun.

 

[1] "Choses et gens du Bani", Hespéris, XXXIII, 1946, pp. 385-405.

[2]. La traduction française de cette version (C) a été faite par Kelthoum Mosdek. Revue et améliorée, elle  nous a servi de point de départ pour notre propre traduction  aussi bien de (A) que de (B).

 

[3] Robert Montagne , Les Berbères et le Makhzen dans le Sud du Maroc, Paris 1930; Justinard1933 :121-162; Justinard 1926 : 359-364. Mukhtar al-Soussi, Al-Ilghiyyat, n. d. [1364 / 1945], III, pp. 166-169; Id.,  Khilal Juzula, al-ma†ba∫ah al-mahdiyyah, Tetuan, n. d. [1377/1958], IV, p. 9; Soussi 1966 : 236, 238-40. Mohammad Berdouzi, "Robert Montagne et les structures politiques du Maroc", in Regards sur le Maroc: Actualité de Robert Montagne, Publications du CHEAM, Paris 1986, pp. 125-231.

 

 

 

 

[4] Pour l'importance de ces formules en poésie tashelhit, voir Galand-Pernet 1986.

[5] L'assassination de Muhammad b. Ali U-Aberrahman n'empechera pas la Maison des Ayt Jerrar de porter secours aux ennemis de Tazerwalt, notamment Tumanar. "Par trois fois, entre 1900 et 1934, la partie de Toumanar qu'habitaient les Igourramen a été détruite par Iligh et ses habitants obligés de se réfugiés parfois pour de longues années chez les Ouled Jerrar." Voir M. Tozy, "De quelques lieux de la compétition politique au Tazeroualt" in Bullelin Economique et Social du Maroc (En Hommage à Paul Pascon) N° 159-160-161, n.d. [1987], p. 169.

[6] C'est aussi à la même époque que des privilèges (dahir at-tawqir wa-l-ihtiram) ont été accordés aux Oulad Sidi Abderrahmane El-Khanbubi de la Zawiya de Timeslit (au sud de l'Oued Oulghas, entre Aglou et Ahl Mader) d'après un dahir de 1082/1669. (Justinard, 1925, 267).

 

[7]  Voici le texte berbère:

                                                Sidi Lhusayn U-Hashem awinn aytmak

                                                Ishsha wushshn, ishsha ugaywar, ishsha uswwan

                                                Ishsha bumhemd lli jju ur ishshan lmayyit.

Il est bien dommage que P. Pascon n'ait pas pris connaissance de ce poème ni du texte de Justinard intitulé d'ailleurs "La mort de Sidi Hachem", voir "Notes sur l'histoire du Sous au XIXè siècle" (suite), in Hespéris, VI, 1926, pp. 351-364.

 

[8]Pour les notes sur les deux textes berbères voir ci-dessous à la fin.

[9] En fait ces préliminaires, même réutilisés à différentes occasions, ne sont nullement arbitraires. "Les deux fonctions, phatique et démarcative, du prélude musical, écrit P. Galand-Pernet, se retrouvent dans le prologue textuel, qui assume aussi d'autres fonctions, liées ou non à la fonction démarcative et à la fonction phatique: invocation au nom de Dieu, qui doit garantir la réussite de l'acte poétique, invocation aux saints (notamment le patron du poète), captatio benevolentiae, exhortation aux auditeurs pour qu'ils écoutent avec attention et fassent leur profit moral de l'oeuvre présentée, annonce du poème, de son sujet ou de l'intention édifiante du poète." (Galand-Pernet, 1986: 356-7).

[10] Brown-Lakhsassi, "La destruction est comme un oued", Littérature Arabo-Berbère,Paris: EHESS/CNRS, 18 (1987), 43-63.

 

[11] Pour les passages en Berbère, nous avons préféré donner la transcription et la traduction  de Justinard comme telle.



10/06/2011
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